28.09.07 - TPIR/FRANCE - PARIS REFUSE DE NOUVEAU DE LIVRER SANS DELAI DEUX ACCUSES (ECLAIRAGE)

LA HAYE, 27 septembre 2007 (FH - TPIR/FRANCE) -  Laurent Bucyibaruta et Wenceslas Munyeshyeka ne sont pas prêts de connaître l’issue de leur sort. En témoigne le nouveau refus de la Chambre d’appel de Paris d’exécuter immédiatement les mandats d’arrêt dressés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à l’encontre des deux accusés.  

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 Dans sa décision du 26 septembre, la Chambre d’appel de Paris ordonne au TPIR un supplément d’informations considérant qu’elle ne pouvait se prononcer sur la demande de transfert au vue des éléments fournis.   L’ancien préfet de Gikongoro Laurent Bucyibaruta et l’abbé Wenceslas Munyeshyeka sont poursuivis en France, depuis 1995 pour le premier et 2000 pour le second, sur la base de faits quasi similaires à ceux reprochés par le TPIR. Mais le Tribunal veut que ce soit sur la base de ses actes d’accusation qu’ils soient jugés.   Ils sont placés sous contrôle judiciaire.   En juin 2006, la France avait donné son accord pour juger les deux hommes permettant d’envisager un transfert de dossier sur la base de l’article 11 bis du règlement de procédure et de preuve du TPIR  pour alléger le travail du TPIR qui doit terminer son mandat fin 2008.   Le TPIR avait alors délivré un premier mandat d’arrêt le 20 juin 2007 à l’encontre des deux accusés demandant à la Françe de les arrêter en attendant qu’une chambre de première instance du Tribunal international, saisie pour traiter du transfert, prenne sa décision. La Françe avait refusé de les maintenir en détention estimant que l’acte d’accusation n’était pas assez précis.   C’est sur le second mandat d’arrêt du TPIR qui, changeant de stratégie, demande le transfert des deux hommes devant sa juridiction en attendant que la Chambre de première instance statue sur l’article 11 bis, que la Chambre d’appel de Paris refuse aujourd’hui de se prononcer.   La Chambre d’appel de Paris serait-elle pointilleuse ou le TPIR n’aurait-il pas été assez rigoureux ?   L’autorité française considère tout d’abord que les conditions d’urgence requises par l’article 40 du Règlement de procédure et de preuve du TPIR, invoqué par le Tribunal pour l’arrestation et la mise en garde à vue, ne sont pas réunies puisque les deux accusés n’ont jamais cherché à se soustraire aux autorités depuis le début de la procédure.   Elle soulève ensuite une erreur de plume ou de traduction dans l’acte d’accusation du TPIR qui requière, à propos du crime contre l’humanité, une « attaque généralisée ET systématique » (alors que la version anglaise du Statut utilise la conjonction « ou »). Mais cette question a déjà été réglée par la jurisprudence du Tribunal international. Le jugement Akayesu de 1998 a déclaré que la version française de l’article 3 du Statut souffre d’une erreur de traduction.   Une modification du texte aurait été semble-t-il nécessaire.   Puis la juridiction française invoque des problèmes relatifs à l’article 9 du Statut du TPIR qui traite du principe juridique « non bis in idem » selon lequel une personne ne peut pas être poursuivie et condamnée deux fois pour un même fait.   La question est soulevée à deux points de vue : les poursuites déjà engagées en France contre les deux accusés et la condamnation par contumace de Wenceslas Munyeshyeka en 2006 au Rwanda.   A cette même occasion, la Chambre d’appel de Paris demande au Tribunal international de lui confirmer s’il compte ou non poursuivre la procédure de transfert par l’article 11 bis de son règlement.   Elle semble ici considérer que dans le cas où le TPIR poursuivrait lui-même Munyeshyeka et Bucyibaruta alors il y aurait un concours de compétence entre la France et la juridiction internationale.   Or le fait que les juridictions nationales sont censées se dessaisir au profit des tribunaux ad hoc, la France peut-elle invoquer l’article 9 du Statut alors qu’elle n’a pas encore rendu de jugement à l’encontre des deux hommes ?   Le problème est différent s’agissant du jugement rendu par contumace (en raison de l’absence de l’accusé à son procès) en 2006 par une juridiction militaire rwandaise qui a condamné Munyeshyeka à la prison à vie. Ici, les poursuites et le jugement ont été conduit jusqu’à leur terme.   Cependant, l’article 9-2 du Statut ouvre la possibilité au Tribunal international de poursuivre à nouveau si les faits pour lesquels Munyeshyeka a été jugé sont qualifiés crime de droit commun, ou si « la juridiction nationale n’a pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure engagée devant elle visait à soustraire l’Accusé à sa responsabilité pénale internationale, ou la poursuite n’a pas été exercée avec diligence ».   La Chambre d’appel de Paris soulève encore des incohérences dans les dates mentionnées dans l’acte d’accusation de Wenceslas Munyeshyeka, et des faits reprochés à Laurent Bucyibaruta qui remonteraient à 1993, date pour laquelle la France n’est pas compétente en vertu de la loi d’adaptation du Statut du TPIR de mai 1996.   Les pièces requises doivent avoir été fournies pour le 15 novembre et la juridiction française prendra sa décision sur l’exécution du mandat d’arrêt le 21 novembre.    AV/PB/GF   © Agence Hirondelle