19.10.07 - CANADA/GENOCIDE - UNE RWANDAISE EXHORTE LE MONDE À NE PAS OUBLIER LES SURVIVANTS

  Montréal, 19 octobre 2007 (FH) – « Je vous lance le défi de venir en aide aux victimes du génocide rwandais », a lancé Esther Mujawayo aux 500 personnes réunies à la cérémonie d'ouverture de la conférence mondiale sur la prévention du génocide qui s'est déroulée la semaine dernière à Montréal.  

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Aux côtés d'une survivante de l'holocauste et d'un rescapé du génocide cambodgien, Mme Mujawayo, 49 ans, a dit être « sceptique » quant à la sincérité des dirigeants à agir. « Vous saviez et vous n’avez pas agi. Ce n’est pas comme si vous ne saviez pas, mais vous n’aviez pas la volonté d’agir », a t-elle déclaré devant les représentants d'ONG, dirigeants d'organisations internationales, juristes, universitaires et journalistes venus pour ces trois jours de conférence.   Vivant à Kigali lors du génocide de 1994 ( 800 000 morts selon l'ONU, 1 million selon les autorités rwandaises), Mme Mujawayo avait trouvé refuge à l'hôtel des Mille collines, tandis qu'une grande partie de sa famille était assassinée. En 1995, avec d'autres rescapées, elle a participé à la création de l'association AVEGA, qui, aujourd'hui, vient en aide à 35 000 veuves.   À Montréal, Esther Mujawayo n'a eu de cesse de remettre les victimes au cœur des débats. « Avec tout ce qui se dit à la conférence, j'ai l'impression qu'on pense "un génocide s'est terminé, prévenons ceux à venir". Mais, je dis: ce n'est pas encore terminé, les victimes sont encore là ! », a-t-elle expliqué à l'Agence Hirondelle. Selon elle, « si le survivant du génocide était reconnu comme une victime à compenser, on n'aurait pas besoin de quémander ».   Celle qui vit désormais à Düsseldorf (Allemagne) où elle exerce en tant que psychothérapeute a dénoncé, en autres, le traitement que reçoivent les inculpés du TPIR à Arusha (Tanzanie). « On a fait en sorte que celui qui est accusé soit pris en charge, on va même aider la famille des présumés coupables… mais rien n'a été mis en place pour la victime ! » Mme Mujawayo a ainsi souligné à plusieurs reprises le paradoxe qui veut que les inculpés reçoivent des traitements anti-sidéens, tandis que les victimes ont difficilement accès à de tels médicaments.   « On a rencontré Carla Del Ponte (nommée procureure générale des TPIR et TPIY en 1999, ndlr) à ce sujet. Elle a reconnu que c'était aberrant, mais nous a dit qu'aucune provision financière n'avait été prévue dans les textes. Malgré sa volonté, les limites légales empêchaient de le faire. » Pour Mme Mujawayo, le TPIR a servi à essuyer les plâtres de la justice internationale : « Depuis ces fautes, il y a eu des améliorations: la CPI (Cour pénale internationale entrée en vigueur en 2002, ndlr) a prévu des provisions pour les témoins. » Au terme de ces trois jours de débats, la lobbyiste s'est dit moins sceptique qu'au début de la conférence. Pour autant, elle a expliqué à l'Agence Hirondelle que son combat était loin d'être fini. « Mon plus grand objectif c'est que l'ONU reconnaisse qu'elle a failli et que les états-membres compensent, mais ça, c'est encore un peu loin… »   CS/PB/GF © Agence Hirondelle