Invité à prendre la parole à la fin de l'audience portant sur son éventuel transfert, Yussuf Munyakazi, 73 ans, a affirmé qu'il avait été isolé pendant les neuf premiers mois qui ont suivi son arrestation en mai 2004, recevant des visites régulières des membres du parquet qui lui proposaient une libération en échange de témoignages à charge.
Des représentants du procureur, dont il n'a pas donné les noms, lui auraient suggéré d'incriminer l'ex-ministre André Ntagerura, depuis acquitté, et le général de brigade Gratien Kabiligi, dont le jugement est actuellement en délibéré.
« Moi je n'ai jamais rencontré le ministre Ntagerura ni le général Kabiligi », a dit Munyakazi qui s'est présenté comme un simple citoyen.
« Cela l'a (le procureur) déçu et lorsqu'il a établi la liste d'accusés à transférer au Rwanda, il m'a mis en tête de celle-ci » a plaidé Munyakazi en sa langue maternelle le kinyarwanda.
Munyakazi a par ailleurs allégué que le procureur lui avait, alternativement, proposé de plaider coupable afin qu'il bénéficie d'une peine légère. Munyakazi s'exprimait à la fin du débat public sur la possibilité de transférer son dossier vers la justice rwandaise au cours duquel la chambre a entendu le procureur et la défense ainsi que quatre « amis de la cour ».
Il s'agissait du gouvernement rwandais, du barreau de Kigali, de Human Rights Watch et de l'Association internationale des avocats pénalistes.
Munyakazi a exprimé les craintes d'être transféré au Rwanda, arguant que l'une des ses épouses ainsi que douze de ses enfants avaient été tués en 1997 par des soldats rwandais dans les camps de réfugiés hutus dans l'ex-Zaïre. Il a ajouté que sa seconde épouse est morte au Rwanda dans la misère, alors que ses biens avaient été squattés par les rapatriés tutsis. Il a d'autre part allégué que l'une de ses filles subissait des tracasseries de la part des tribunaux gacacas qui lui demanderaient de réparer les torts attribués à son père.
Munyakazi, qui est accusé de génocide, a clamé son innocence et a expliqué qu'il a vécu en bons termes avec les Tutsis depuis sa jeunesse.
Il a révélé que dans les années 1960, il avait adhéré au parti pro-tutsi, l'Union nationale du Rwanda (UNAR), et qu'à ce titre il avait été maltraité par les dirigeants hutus au pouvoir depuis l'indépendance en 1962.
Munyakazi a invité le bâtonnier du Rwanda, Gatera Gashabana, qui était présent, à lui rendre visite en prison pour qu'il lui fasse part de l'injustice qu'il subit actuellement.
La requête en vue du transfert a été mise en délibéré devant une chambre présidée par la juge argentine Inés Monica de Roca. Font également partie du siège les juges Lee Gacuiga Muthoga (Kenya) et Robert Fremr (République tchèque).
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