De Paris à Auschwitz, "l'itinéraire d'une disparition" retracé à la mairie du 9e

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Architecte et plasticienne, Ethel Buisson est partie sur les traces de son grand-père, mort à Auschwitz: le récit de ce "voyage initiatique" est exposé à la mairie du 9e arrondissement de Paris sous la forme de photos, textes, enregistrements sonores et installations.

Ethel Buisson, 47 ans, ignorait le prénom de son grand-père jusqu'à ce qu'elle le découvre sur le "mur des noms" du Mémorial de la Shoah à Paris: Srul Ruger.

Né en 1897 à Ruda, en Pologne, il est mort à Auschwitz en 1942 après avoir été raflé à son domicile parisien, dans le 10e arrondissement, le 16 juillet de la même année.

Face au "vertige de cette absence", sa petite-fille a voulu "reconstituer l'itinéraire de sa disparition".

Munie d'une chambre photographique argentique, d'un enregistreur numérique et d'un carnet de croquis, elle a photographié "les endroits où les faits se sont déroulés et enregistré les sons ambiants, 70 ans après, à dates et heures précises".

En prélevant les empreintes laissées sur les "scènes du crime", l'architecte, qui travaillait jusqu'en 2012 au service des musées de France, a voulu réaliser un "moulage de l'absence et tenter d'impressionner le film argentique par l'invisible".

Intitulée "Grand-père, comment t'appelles-tu ?", l'exposition, visible jusqu'au 13 mai à la mairie du 9e, suit un parcours en cinq temps: "Qui es-tu ? Rencontre", "Où vas-tu ? Un aller simple", "Auschwitz", "D'où viens-tu ? Encore plus à l'Est", "Où es-tu ? Le retour".

Dans la première salle, des traverses de bois posées sur le sol évoquent des rails. Au mur, imprimé sur une toile de lin haute de 3 mètres, l'acte de décès officiel du grand-père, "le 15 septembre 1942 à 18h20", selon l'administration du camp d'extermination, se veut un "substrat de linceul".

C'est la pièce maîtresse de ce "mémorial" intime, plus propre à susciter l'identification qu'une commémoration collective.

Dans une chambre noire, dont les dimensions correspondent à la moitié d'un wagon de marchandises, des photographies sont projetées au mur, accompagnées des sons que l'artiste a enregistrés au cours de son voyage, à Paris, dans les parties communes de l'immeuble où son grand-père a été arrêté, dans le train pour la Pologne ou dans la forêt de bouleaux attenant au camp où les familles attendaient leur tour pour la chambre à gaz.

En marge de l'exposition, Ethel Buisson proposera des prises de vue dans un studio photo, des entretiens et des ateliers, notamment avec des scolaires, qui seront invités à poser eux aussi la question: "Grand-père, comment t'appelles-tu ?"