Venezuela : l'opposition en péril avant les élections locales

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Un nouveau front de bataille politique s'est ouvert au Venezuela, où les partis doivent se réinscrire en vue des prochaines élections régionales et municipales, une procédure qui semble destinée à affaiblir l'opposition au gouvernement socialiste.

Le Conseil national électoral (CNE) a créé la polémique cette semaine en dévoilant les conditions que doivent remplir, pour avoir une existence légale, les 59 formations politiques n'ayant pas participé aux deux dernières élections ou n'ayant pas recueilli au moins 1% des suffrages.

Cela ne concerne donc ni le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro, ni la coalition d'opposition de la Table pour l'unité démocratique (MUD).

En revanche, la trentaine de partis formant la MUD doivent chacun se réinscrire car ils n'ont pas participé individuellement aux précédents scrutins.

 

- Un scrutin risqué pour le pouvoir -

 

Les élections visant à désigner les gouverneurs des Etats et les maires doivent avoir lieu cette année, même si la date n'a toujours pas été définie.

Le scrutin s'annonce risqué pour le président Maduro, dont huit Vénézuéliens sur dix rejettent la gestion selon l'institut de sondages Datanalisis, dans un contexte de grave crise économique.

Le chavisme (du nom de l'ex-chef de l'Etat Hugo Chavez, 1999-2013) contrôle actuellement 20 des 23 Etats du pays et 242 des 335 municipalités. Mais il a vu son hégémonie vaciller quand l'opposition a remporté une large victoire aux élections législatives fin 2015, pour la première fois en 17 ans.

Cette fois, "on cherche à créer des conditions permettant d'organiser des élections sur-mesure pour le gouvernement", explique à l'AFP le politologue Luis Salamanca.

 

- Les conditions à remplir -

 

Pour être considérés comme légaux et pouvoir participer aux élections, chaque parti devra recueillir des signatures représentant 0,5% de l'électorat dans 12 Etats, en 14 heures réparties sur deux jours maximum.

Les analystes jugent l'opération quasi-impossible pour les formations les plus petites.

Mais même les plus grandes, au sein de la MUD, ne sont pas à l'abri : après cette collecte de signatures, des recours pourront être déposés en justice, ce qui laisse craindre à l'opposition que les partis qui "dérangent le gouvernement" soient écartés à cette occasion, selon les analystes Eugenio Martinez et Edgard Gutiérrez.

 

- Quel avenir pour la MUD ? -

 

Même si la MUD n'a pas à passer par ce processus de réinscription, elle fait face à une plainte pour des fraudes présumées dans le processus de référendum révocatoire contre Maduro, bloqué en fin d'année dernière.

Elle risque donc d'être déclarée illégale. "Elle a commis une fraude envers le pays et cela l'écarte automatiquement" de la course, affirmait récemment l'un des principaux dirigeants chavistes, Diosdado Cabello.

L'opposition s'inquiète que le gouvernement cherche ainsi à organiser une élection comme à Cuba, avec un parti unique, ou comme au Nicaragua en 2016, quand le président Daniel Ortega a été réélu pour la troisième fois consécutive après avoir affaibli l'opposition via des décisions judiciaires.

L'objectif est de "transformer le système électoral vénézuélien en une copie de ceux de Cuba ou du Nicaragua (...), où le peuple peut peut-être voter mais ne peut pas choisir", a dénoncé la MUD mercredi.

 

- Les scénarios possibles -

 

Le premier, le moins probable selon les analystes, est une interdiction de la MUD ou de tous ses partis. Mais "des élections sans opposition, ce serait la dictature", s'alarme Luis Salamanca. De quoi générer l'indignation internationale.

Autre option, selon Eugenio Martinez, expert en questions électorales : "un scénario de vote sans la majorité des partis de la MUD et sans les dissidents du chavisme".

Enfin, les autorités pourraient décider de valider certains partis d'opposition mais de rendre la MUD illégale pour "la sortir du jeu, car actuellement elle gagne n'importe quelle élection", observe M. Salamanca. Ce qui permettrait de morceler le soutien électoral à cette vaste coalition.

Pour le politologue John Magdaleno, "le gouvernement vise une bataille de plus en plus asymétrique". Et, en introduisant cette nouvelle procédure, il espère aussi retarder le plus possible les élections locales, qui auraient initialement dû avoir lieu en décembre dernier.