Paralysie à Pristina, sans gouvernement plus de trois mois après les élections

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En octobre, les Kosovars ont voté pour le changement mais pour l'heure, ils n'en ont pas vu la couleur. Les partis qui ont fait chuter la vieille garde n'ont pas réussi à former une coalition, ce qui fait craindre de nouvelles élections.

La victoire de deux formations d'opposition aux législatives du 6 octobre, alors qualifiée d'historique, aurait dû faire tomber les anciens commandants de la guérilla kosovare qui dominaient la vie politique depuis l'indépendance de l'ancienne province serbe proclamée en 2008.

Mais malgré les tractations en coulisses, il n'y a pas eu de poignée de main entre les dirigeants de la formation de gauche Vetevendosje et la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) de centre droit.

Vetevendosje, un parti nationaliste de gauche dont le nom signifie "autodétermination", a obtenu 29 sièges sur 120, soit un de mieux que la LDK.

Avec les députés issus de minorités ethniques, les deux partis dominent le Parlement face au PDK, qui compte dans ses rangs de nombreux ex-guérilléros accusés d'avoir entraîné le Kosovo dans une profonde crise socio-économique marquée par la pauvreté et la corruption.

Mais les analystes craignent qu'ils ne gâchent leurs chances.

S'il n'y a pas de gouvernement pour approuver le budget 2020 avant mars, le petit territoire de 1,8 million d'habitants s'expose à des remous sociaux et à "un effondrement financier", prévient Naim Gashi, professeur d'économie à Pristina.

"Soit ils se mettent enfin d'accord sur une coalition, soit ils devront aller à nouveau aux urnes car le système ne peut rester bloqué", estime Arton Demjaha, analyste à l'ONG anti-corruption Cohu (Debout)

D'aucuns jugent cependant que de nouvelles élections ne feraient que retarder les choses.

- "Solution fatale" -

"Un nouveau scrutin serait non seulement la pire des solutions, ça serait une solution fatale", lance l'analyste politique Ardian Kastrati. Il demande aux partis de trouver un accord de gouvernement provisoire afin d'"avancer sur les processus importants qui attendent le pays cette année".

Bruxelles et Washington les pressent également de trouver un terrain d'entente pour s'atteler aux nécessaires réformes économiques, sociales et judiciaires.

Ils souhaitent en particulier la relance des négociations avec Belgrade, avec qui les relations sont toujours tendues plus de 20 ans après la guerre qui fit 13.000 morts.

Les pourparlers de normalisation des relations, condition préalable pour chaque partie si elle veut progresser vers une adhésion à l'Union européenne, sont au point mort depuis plus d'un an.

Vetevendosje et la LDK ne sont pas des alliés idéologiques naturels mais les querelles portent pour l'instant sur l'attribution des postes.

Celui de Premier ministre revient au premier parti, Vetevendosje, qui a désigné son leader Albin Kurti.

La LDK réclame que le prochain président soit issu de ses rangs à la fin de la mandature actuelle, en 2021.

Les informations sur les tractations en cours sont rares mais les rumeurs abondent. Les deux formations se disputeraient le poste de président de l'Assemblée du Kosovo.

En attendant, l'opinion se lasse alors que le gouvernement sortant s'occupe toujours des affaires courantes.

- Regrets -

"Si j'avais su que 100 jours après le vote, on n'aurait pas de gouvernement, je n'aurais jamais voté", regrette Qerim Zaberxha, vendeur de 42 ans.

Le Kosovo "mérite de meilleurs dirigeants", dit Mirnije Mehana, enseignante de 30 ans. "J'espère qu'on se souviendra de qui se bat pour le pouvoir et de qui se bat pour les citoyens dans cette crise, pour voter en connaissance de cause la prochaine fois".

Albin Kurti ignore les invitations à rencontrer le président Hashim Thaçi, ce qui donnerait le top départ d'un compte à rebours de 15 jours pour former le gouvernement.

Le président et ses alliés du PDK profitent de l'occasion pour dénigrer leurs opposants.

Tout retard supplémentaire "risquerait de provoquer une crise constitutionnelle totalement inutile", a écrit récemment Hashim Thaci sur Twitter.

Le leader du PDK, Kadri Veseli, parle quant à lui de "trahison".

Depuis l'indépendance, la vie politique du Kosovo, dirigé par des coalitions instables, est rythmée par les élections anticipées.

Le dernier scrutin a été provoqué par la démission du Premier ministre Ramush Haradinaj, convoqué par le tribunal spécial sur les allégations de crimes de guerre commis par l'Armée de Libération du Kosovo (UCK) durant le conflit ayant parachevé la désintégration de la Yougoslavie.