OPINION

Opinion : le Burundi glisse vers une situation de non-droit

2 min 30Temps de lecture approximatif

Demandez à n'importe qui à Bujumbura de vous parler de l'avenir proche et tout le monde vous dira la même chose: il est sombre.

Le Burundi donne l'impression de plonger dans la violence incontrôlée. Une situation de non-droit effrayante est en train de s'installer, dont certaines autorités semblent profiter pour justifier une répression brutale. Les meurtres commis pour des motifs politiques sont de plus en plus fréquents et leurs auteurs ne sont pratiquement jamais arrêtés ou poursuivis en justice.
 
Au cours des deux derniers jours, les quartiers de la capitale les plus touchés par les récentes violences ont commencé à se vider, à la suite d'avertissements lancés par le président Pierre Nkurunziza, par le ministre de la Sécurité publique Alain Guillaume Bunyoni, et par d'autres hautes autorités, selon lesquels les personnes possédant des armes doivent les remettre à la date du 7 novembre ou subir les conséquences.
 
Les Burundais prennent ce genre d'avertissement au sérieux, ayant vu des proches, des amis ou des voisins tués par balles par la police lors de descentes nocturnes. La panique s'est installée et certains habitants de Bujumbura ont fait leurs valises et se sont enfuis.
 
La dernière victime de ces violences est Welly Nzitonda, âgé de 28 ans, un chauffeur qui vivait dans le quartier de Mutakura. Il a été arrêté et emmené par la police hier, dans la matinée, alors qu'il tentait de quitter ce quartier. Son cadavre a été retrouvé plus tard et, selon de premières informations, il aurait été tué par un agent de police.
 
Le meurtre de Welly Nzitonda est un nouveau coup très dur pour son père, Pierre Claver Mbonimpa, le défenseur des droits humains le plus renommé du Burundi qui préside l'Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH). Âgé de plus de 65 ans, Mbonimpa a échappé lui-même de peu à la mort en août lorsqu'un homme, qu'il a reconnu comme travaillant avec les services de renseignement, lui a tiré dessus, dans le visage.
 
Le 3 octobre, le gendre de Mbonimpa, Pascal Nshimirimana, a été tué par balles alors qu'il rentrait chez lui dans sa voiture à Bujumbura. Nshimirimana, qui était un homme d'affaires, ne menait aucune activité politique ou de défense des droits humains. Sa famille est convaincue qu'il a été pris pour cible en raison des activités de son beau-père.
 
Combien de souffrances et de violences supplémentaires une famille peut-elle endurer? Mbonimpa est un courageux militant fidèle à ses principes, qui n'hésite jamais à dénoncer les abus, quel que soit le camp de leurs auteurs. Ceci est-il le prix qu'il doit payer pour dire la vérité?
 
À en juger par le ton menaçant des discours officiels – avertissant la population que quand « l'autorisation » sera donnée, l'opération commencera – davantage de personnes risquent d'être tuées. Des opposants politiques se sont aussi livrés à des violences armées, tuant et blessant des policiers. La police a répliqué sans retenue, faisant à plusieurs reprises sortir de force des personnes de leurs habitations et les abattant sur place. Dans de nombreux cas, il n’existait pourtant aucun élément indiquant que ces personnes étaient impliquées dans des attaques contre la police.  
 
Les policiers ont certes le devoir de restaurer la sécurité et de désarmer les personnes qui détiennent illégalement des armes, et ils sont habilités à recourir à la force létale quand des vies humaines sont exposées à un danger imminent. Mais cela n’équivaut en aucune façon à un permis de tuer.
 
Le président Nkurunziza et le gouvernement burundais devraient d'urgence faire cesser tout recours à la force excessive par les forces de sécurité.  La date butoir du 7 novembre qui approche n'a pas à être le prélude à de nouvelles horreurs. Le gouvernement a encore la possibilité d'empêcher le pays de sombrer davantage dans le chaos.