OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : les ambiguités de l'Union africaine et la CPI

La semaine de la justice transitionnelle : les ambiguités de l'Union africaine et la CPI©DR
Symbole de l'Union africaine
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Coup de projecteur cette semaine de nouveau sur l’Afrique et la Cour Pénale Internationale.

L’Union Africaine a recommandé à l’occasion de sa réunion annuelle un retrait concerté des pays africains du Tribunal de la Haye. Mais, cette proclamation de principe venant après les retraits de l’Afrique du Sud, de la Gambie et du Burundi cache de profondes divisions au sein de l’UA, explique une analyste de Human Rights Watch. Des pays aussi importants que le Sénégal, le Nigéria mais aussi le Cap Vert, la Zambie, la Tunisie, le Malawi ont réitéré leur soutien à la CPI. Le nouveau Président de la Gambie Adama Barrow a aussi affirmé vouloir revenir sur la décision de retrait de son prédécesseur Yahya Jammeh. Comme l’écrit HRW, « ces soutiens - et l'opposition aux plans de retrait - devraient être renforcés. La CPI est le seul tribunal qui peut en dernière instance rendre justice aux victimes d'atrocités de masse lorsque les tribunaux nationaux ne peuvent ou ne veulent pas le faire ».

Autre spécificité de la CPI, elle inclue dans son mandat non seulement la justice dite « rétributive » condamnant les accusés jugés coupables mais aussi la réparation en faveur des victimes. Notre partenaire Oxford Transitional Justice Research (OTJR) présente ainsi le cas des enfants soldats en République démocratique du Congo. L’auteure Kirsten J. Fisher explique que le premier verdict rendu par la CPI en 2012 concernait Thomas Lubanga condamné notamment pour avoir enrôlé des enfants soldats certains âgés de 11 ans. Mais cinq ans plus tard, les réparations prévues pour réintégrer ces enfants devenus adultes marquent le pas. Et l’auteure de conclure : « il est dommage alors que la CPI est confrontée à des défis et critiques venant de pays africains que ce processus soit pénalisé par des complexités et limites en opposition flagrante avec son potentiel ».

Torture en Tunisie

À signaler aussi en Tunisie, laboratoire actif de la justice transitionnelle, un rapport de l’OMCT (Organisation Mondiale Contre la Torture) dénonçant la persistance de l’usage de la torture et l’impunité des policiers pratiquant ces violations massives des droits de l’homme. La révolution et la transition n’ont pas fondamentalement changé les errements du passé. « D’une pratique systématique de la torture et des mauvais traitements profondément enracinée et institutionnalisée, à une pratique encore persistante qui démontre une tendance à l’arbitraire, la révolution n’a pas amené avec elle les ruptures escomptées. Jusqu’à ce jour, aucune décision de justice, proportionnelle à la gravité du crime, n’a été rendue sur le fondement de l’article 101 bis du Code pénal tunisien qui sanctionne le crime de torture. Cette tendance à ne pas condamner les tortionnaires, renforce l’impunité », constate le Rapport annuel Sanad 2016, récemment publié.

Plus positif, toujours en Tunisie, une exposition mettant en lumière les trois monothéismes au Musée du Bardo. Le choix du lieu qui fut le théâtre en 2015 d’un des attentats les plus meurtriers de la Tunisie de l’après Ben Ali est symbolique. La correspondante de JusticeInfo.net, Olfa Belhassine, écrit : « exposer dans ce lieu, qui se souvient encore de l’assaut barbare, dans un esprit de brassages et d’interactions fécondes entre les monothéismes, des identités religieuses parfois meurtrières, souvent en situation d’affrontements, ébranle avec grâce tant d’idées reçues ».

Crimes contre l'humanité au Myanmar

À noter, enfin, un rapport de l’ONU qui dénonce au Myanmar la « politique de terreur » instaurée par le pouvoir envers les Rohingyas, une minorité musulmane persécutée dans ce pays majoritairement boudhiste.

"Les attaques contre la population Rohingya dans la région (assassinats, disparitions forcées, torture et traitement inhumain, viol et autres formes de violences sexuelles, détention arbitraire...) semblent avoir été largement généralisées et systématiques, indiquant que des crimes contre l'humanité ont très probablement été commis", relève le rapport. L'arrivée au pouvoir fin mars de la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, n'a rien changé à leur situation.