Centrafrique: un ex-chef de milice extradé vers la CPI

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Un ex-chef de milice centrafricain a été extradé samedi vers la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, une première dans ce pays ravagé par des violences meurtrières depuis 2012.

L'avion qui transporte Alfred Yekatom, député centrafricain et ex-chef de milices antibalaka, autoproclamées d'autodéfense, "vient de quitter Bangui", a indiqué en début d'après-midi une source gouvernementale à l'AFP.

C'est la première extradition vers la CPI depuis l'ouverture de l'enquête sur la Centrafrique en septembre 2014 sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui y auraient été commis à partir de 2012.

En 2015, M. Yekatom, également connu sous le nom de colonel Rombhot, ou parfois "Rambo", avait été placé sous sanctions de l'ONU et du Trésor américain.

Le Trésor le soupçonnait d'avoir mené des campagnes d'exactions contre des populations musulmanes, d'avoir tué des civils à Mbaiki (sud) et utilisé 153 enfants comme combattants.

Ancien caporal-chef de l'armée centrafricaine, M. Yekatom avait été élu en 2016 député à l'Assemblée nationale. Il a été arrêté fin octobre après avoir tiré dans l'hémicyle.

"C'est un message fort pour les leaders des groupes armés. Ceux qui pensent s'arroger une amnistie à la table des négociations font fausse route", a réagi Pierre Brunisso, de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) à Bangui.

Depuis 2012 et le début de l'offensive qui a abouti à la prise de Bangui par l'ex-coalition de la Séléka, la Centrafrique est le théâtre de violences meurtrières quotidiennes qui ont forcé un quart des 4,5 millions d'habitants à fuir leur domicile.

Une mission onusienne de maintien de la paix, la Minusca, est déployée depuis 2014 et, prenant la suite d'une intervention militaire française, tente de préserver les civils des violences.

Vendredi soir à 21H00 (20H00 GMT), une base avancée de l'ONU dans l'ouest du pays a été attaquée par des hommes armés. Un Casque bleu blessé lors des combats a succombé à ses blessures.

Si l'identité des assaillants n'est pas connue, le groupe armé Siriri est présent dans la zone.

Ce groupe, créé en 2018, est constitué en majorité d'éleveurs peuls, prétendant lutter contre les vols de bétail. Un Casque bleu avait déjà été tué en juin dans la région.

Cette nouvelle attaque porte à six le nombre de Casques bleus tués en République centrafricaine cette année.

- Eglise et camp de déplacés brûlés -

Vendredi soir à Bangui, une explosion a été entendue dans le quartier qui abrite la majorité des musulmans de la capitale, le PK5, au niveau de la maison d'un chef de milice.

Selon plusieurs sources concordantes, l'explosion a été causée par un drone, sans qu'il soit possible de vérifier cette information.

Jeudi, au moins une quarantaine de personnes dont deux prêtres ont été tuées dans des combats à Alindao, dans le centre du pays.

Un rapport interne de l'ONU faisait état vendredi soir de 37 morts. D'autres chiffres plus élevés ont été avancés mais n'ont pas pu être confirmés samedi.

Ces combats ont opposé des milices antibalaka à des combattants du groupe armé Union pour la paix en Centrafrique (UPC).

L'Eglise catholique, le couvent et le camp de déplacés de la ville ont été brûlés; 20.000 personnes ont été déplacées, selon l'ONU.

Alindao a longtemps été la principale base de l'UPC, un groupe armé dirigé par Ali Darassa, un des principaux groupes de l'ex-Séléka.

En mai 2017, des combats entre antibalaka et UPC avaient fait une centaine de morts dans cette ville charnière du centre de la Centrafrique, sur la principale route menant au sud-est du pays.

-"Valse des médiations"

Le même jour, jeudi, le Conseil de sécurité de l'ONU a débattu à New-York du renouvellement de la mission onusienne en Centrafrique, la Minusca, présente depuis 2014 et qui fait l'objet de nombreuses critiques en raison de son incapacité à faire face aux violences.

A ces critiques s'est ajoutée une querelle entre la Russie, les Etats-Unis et la France à propos d'un projet de résolution déposé par Paris.

Celui-ci dénonçait les récentes tentatives de Moscou, en pleine offensive diplomatique dans le pays depuis début 2018, d'organiser des accords de paix parallèles à l'initiative de l'Union africaine, soutenue par l'ONU et les principaux partenaires de Bangui.

En réponse, Moscou a estimé que la France devait laisser de côté ses "intérêts nationaux paroissiaux" en Centrafrique, ancienne colonie où Paris est présent militairement depuis l'indépendance en 1960.

Le projet de résolution n'a pas été adopté. Le Conseil a voté à l'unanimité la prolongation d'un mois du mandat de la mission, en attendant un nouveau vote le 15 décembre sur une nouvelle résolution.

Dans un rapport début novembre, le centre d'analyses Enough Project a dénoncé une "valse des médiations" qui a lieu "sans qu'aucune solution durable et cohérente ne voie le jour".