CPI: premières réparations pour crimes de guerre aux victimes de Katanga

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La Cour pénale internationale (CPI) a attribué vendredi 250 dollars "symboliques" à chacune des 297 victimes d'un ancien chef de milice congolais, des compensations saluées par les ONG mais rejetées par ceux qui ont perdu maisons et proches dans l'attaque de leur village en 2003.

Il s'agit des premières réparations monétaires attribuées à des victimes de crimes de guerre par la Cour établie en 2002 pour poursuivre des auteurs présumés de crimes de guerre.

"Ce montant symbolique ne vise pas à indemniser les préjudices dans leur intégralité mais permet de soulager les préjudices subis par les victimes d'une manière significative", a déclaré le juge Marc Perrin de Brichambaut, estimant le total du préjudice physique, matériel et psychologique à 3,75 millions d'euros.

La chambre a également ordonné "des réparations collectives ciblées sous la forme d'une aide au logement, d'un soutien à une activité génératrice de revenus, d'une aide à l'éducation et d'un soutien psychologique".

Condamné en 2014 à douze années de détention pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, Germain Katanga avait facilité et coordonné l'approvisionnement en armes des membres de sa milice qui avaient attaqué le 24 février 2003 le village de Bogoro, en Ituri dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), tuant environ 200 personnes par balle ou à la machette.

"250 dollars ne représente rien aujourd'hui en RDC", a réagi Salomon Kisembo Byaruhanga, chef du groupement Babiase à Bogoro, davantage favorable à des "gestes à caractère didactique", comme la reconstruction d'un village ou l'édification d'un mémorial.

"Ceux qui vont les recevoir vont peut-être les gaspiller avec la bière en deux jours", ajoute-t-il.

Aux yeux du coordinateur de la société civile de l'Ituri Jean Bosco Lalo, "nos communautés ont déjà tourné la page": "chacun a reconstruit sa maison, on a enterré nos morts."

- Des excuses publiques? -

Actuellement en procès à Kinshasa pour "crime de guerre, crime contre l'humanité et participation à un mouvement insurrectionnel" en Ituri, Germain Katanga a suivi l'audience par liaison vidéo, a précisé le juge.

S'il le souhaite, l'ex-chef de milice de 38 ans pourra contribuer aux réparations "par le biais d'une lettre d'excuse ou par des excuses publiques ou par l'organisation d'une cérémonie de réconciliation", a-t-il ajouté.

La CPI a estimé qu'il était personnellement responsable du paiement d'un million de dollars pour réparer le préjudice. Toutefois, étant donné son indigence, "le Fonds au profit des victimes a été invité à utiliser ses ressources pour ces réparations et à présenter un plan de mise en oeuvre" d'ici au 27 juin 2017, a indiqué M. Perrin de Brichambaut.

Sur décision de son conseil de direction, l'organisme indépendant pourrait puiser dans ses propres réserves issues de donations. Et le montant débloqué pourrait atteindre le million de dollars pour lequel M. Katanga est tenu responsable, a précisé Sonia Robla, cheffe de la section de l'information et de la documentation de la CPI.

De leur côté, les avocats des victimes avaient estimé les dommages causés à au minimum 16,4 millions de dollars (15,17 millions d'euros), faisant mention de 228 maisons détruites et de la perte de centaines de vaches et demandant à la CPI de fixer une valeur monétaire sur la perte d'un proche.

Les juges, dont l'analyse des demandes en réparation constitue une annexe de plus de mille pages, ont ainsi évalué à 8.000 dollars le préjudice psychologique subi par la perte d'un parent proche et à 4.000 dollars pour un parent éloigné.

A cela, s'ajoutent 2.000 euros pour chaque personne présente au moment de ces faits "de nature à susciter des traumatismes de tous ordres".

"Peu à peu, la CPI développe les manières et moyens de répondre aux besoins des victimes à travers sa jurisprudence", a salué Carla Ferstman, directrice de l'ONG britannique de défense des droits de l'Homme Redress.

Le Fonds doit contacter les autorités de la RDC "concernant une possible collaboration" à la mise en oeuvre des réparations.

Pour le président de l'Association africaine des droits de l'Homme (Asadho), Jean-Claude Katende, "il est temps qu'une politique globale de réparation pour les victimes du conflit soit mise en oeuvre par le gouvernement congolais".