LES TRIBUNAUX DE L’ONU DEFINISSENT « LA PRISON A VIE » : PLUS DE 45 ANS DE DETENTION

LES TRIBUNAUX DE L’ONU DEFINISSENT « LA PRISON A VIE » : PLUS DE 45 ANS DE DETENTION©Sean Hobson/Flickr
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Les Tribunaux de l’ONU pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR) ont ceci de particulier qu’ils n’ont pas de prison où les personnes qu’ils châtient purgent leur peine. Les condamnés, une fois les voies de recours épuisées, sont transférés vers des pays d’accueil qui ont signé avec les Tribunaux des accords dits d’exécution des  peines : c’est le cas de nombreux pays européens, dont la France, pour le TPIY ; c’est le cas du Mali, du Bénin ou de l’Italie pour le TPIR.

La spécificité de ces accords est qu’ils confèrent au prisonnier international un statut de prisonnier national. En clair, il tombe sous le coup du régime pénitentiaire local et bénéficie des droits qu’il confère en termes de permission, grâce, commutation de peine ou  liberté anticipée. A une différence notable près : ces droits ne sont effectifs que si le président du Tribunal international concerné donne son accord explicite.

C’est ainsi qu’est née la pratique de la libération anticipée des condamnés internationaux, en application du droit pénitentiaire local[i]. Le TPIY l’a accordée, assez généreusement (et au grand dam des survivants) lorsque le détenu a purgé les deux tiers de sa peine ; le TPIR a été plus parcimonieux et plus sévère en ne l’accordant  qu’au terme des trois quarts de la peine exécutés.

Mais quel sort réserver à une personne condamnée à la prison à vie qui purgerait sa peine dans un pays commutant la perpétuité en un terme de prison fixe après un certain nombre d’années ? La question n’est désormais plus hypothétique : elle vient de se poser, et d’être réglée pour la première fois, dans le cas de Stanislav Galic.

Ancien commandant du corps de l’armée bosno-serbe qui a mené le siège de Sarajevo de 1992 à 1994, Stanislav Galic a été condamné à la prison à vie le 30 novembre 2006 par la Chambre d’appel du TPIY. Il fut transféré en Allemagne le 15 janvier 2009. Selon la loi allemande, il pouvait prétendre à une libération anticipée dès le 18 décembre 2014, ayant alors purgé 15 ans de sa peine  (il avait été arrêté et était en détention depuis décembre 1999). Son avocat est donc monté aux créneaux.

En vain : la demande a été rejetée, notamment en raison de l’extrême gravité des crimes commis par le condamné contre une population civile particulièrement vulnérable, celle la capitale bosnienne mise en joue et bombardée sans relâche depuis ses hauteurs.

Mais l’intérêt véritable de cette décision, dont les raisons plus précises viennent d’être rendues publiques, réside dans le fait que l’instance judiciaire a été amenée à se poser une question inédite pour elle : que signifie la ‘prison à vie’ et une libération anticipée est-elle envisageable ?

La réponse intéressera au premier chef les 22 détenus condamnés à perpétuité par le TPIY (cinq peines définitives) et le TPIR (17 peines définitives).

Ils savent désormais que leur peine « doit être traitée comme l’équivalent de plus de 45 ans de prison » et qu’ils ne pourront prétendre à une libération anticipée avant d’avoir passé « plus de 30 ans » en prison.

Pour entrebâiller la porte, le juge Meron (Etats-Unis) constate tout d’abord qu’aucun des instruments internationaux sur le traitement des prisonniers, ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ne suggèrent que les personnes condamnées à vie n’aient pas le droit à ‘l’espoir’.

Mais comment appliquer ce principe à des prisonniers dont la peine n’est par définition pas limitée dans le temps, et comment donc les faire bénéficier de la pratique désormais établie d’une possible libération anticipée ?

Le juge établit des critères simples. Il considère que la peine de prison à vie est « la plus lourde [que puissent imposer les TPIY et TPIR] et qu’elle est donc quantitativement distincte et plus importante qu’une peine à terme fixe. » Pour refléter la gravité des crimes qu’elle punit, il estime que cette peine « doit être supérieure à la peine ferme la plus élevée prononcée à ce jour par un Tribunal de l’ONU », en l’occurrence par le TPIR contre Juvénal Kajelijeli (45 ans). Enfin, il alourdit aussi le seuil de la libération anticipée qui doit être « supérieur aux 2/3 » habituellement pris en compte.