La CPI met en accusation deux hauts responsables de l’armée russe

Le 5 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre Sergueï Kobylach, chef de l'aviation stratégique russe, et Viktor Sokolov, chef de la flotte russe de la mer Noire. Ils sont accusés de crimes de guerre et de crime contre l’humanité pour des attaques contre des biens et infrastructures civils en Ukraine entre octobre 2022 et mars 2023. Un an après que la CPI a mis en accusation Vladimir Poutine et une de ses ministres.

Ecole bombardée par l'aviation russe russe en Ukraine
Un homme marche devant une école détruite après une frappe de missile à Kramatorsk, dans les régions du Dombass, le 6 mars 2023, lors de l'invasion russe de l'Ukraine. © Aris Messinis / AFP
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La Cour pénale internationale (CPI) a émis mardi des mandats d'arrêt pour des crimes de guerre présumés en Ukraine contre deux responsables militaires russes de premier plan, les chefs de l'aviation stratégique et de la flotte de la mer Noire.

"Tout commandant russe qui ordonne des frappes contre des civils et des infrastructures essentielles ukrainiennes doit savoir que justice sera rendue", a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur le réseau social X à l'annonce de cette mesure.

Au printemps 2023, la CPI, qui siège à La Haye, avait également émis un mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour son rôle dans la déportation d'enfants habitant en Ukraine.

Les deux officiers de haut rang désormais visés par la cour sont Sergueï Kobylach, le commandant de l'aviation à long rayon d'action des forces aérospatiales, et Viktor Sokolov, celui de la flotte de la mer Noire.

Ils sont présumés responsables de crimes de guerre et crime contre l'humanité commis lorsque des missiles ont été tirés sur de nombreuses infrastructures électriques en Ukraine entre "le 10 octobre 2022 au moins et le 9 mars 2023 au moins", a expliqué la CPI.

Ces hommes sont présumés avoir dirigé ces attaques et causé des dommages accidentels excessifs à des civils ou à des biens non militaires.

Ils sont également soupçonnés d'avoir été responsables d'"actes inhumains", qualifiés de crime contre l'humanité, toujours selon la Cour.

Il y a des raisons de "croire qu'ils portent une responsabilité pénale individuelle pour les crimes susmentionnés", a-t-elle précisé.

Soit en ayant commis les actes ensemble, soit par l'intermédiaire d'autrui, soit en ayant ordonné la commission des crimes ou en ayant été incapables de contrôler les hommes sous leur commandement, a ajouté la CPI.

"J'ai souligné à plusieurs reprises que les responsables d'actions ayant un impact sur des civils innocents ou des biens protégés devaient savoir que cette conduite est régie par un ensemble de règles reflétées dans le droit international humanitaire", a déclaré dans un communiqué le procureur de la CPI, Karim Khan.

"Toutes les guerres ont des règles. Ces règles s'imposent à tous sans exception", a-t-il ajouté.

"Plusieurs mois de travail"

Selon l'agence de presse d’État TASS, Sergueï Kobylach, né le 1er avril 1965 à Odessa, dans le sud de l'Ukraine -à l'époque une des quinze entités formant l'URSS-, a d'abord été pilote de chasseur-bombardier. Il a participé aux deux guerres de Tchétchénie ainsi qu'à l'offensive russe contre la Géorgie d'août 2008 pendant laquelle son avion SU-25 a été touché par des tirs, le conduisant à s'éjecter.

D'après le site internet du ministère russe de la Défense, l'aviation à long rayon d'action qu'il commande depuis le 16 septembre 2016 est une composante des forces de dissuasion nucléaire.

Constituée de bombardiers stratégiques, d'avions ravitailleurs et d'avions de reconnaissance, elle est dotée de missiles de croisière, de bombes et d'autres munitions classiques ou atomiques et a comme missions principales de viser "dans la profondeur stratégique" les bases aériennes, les porte-avions, les industries militaires, les centres politiques, les ports et les infrastructures énergétiques de l'ennemi.

Viktor Sokolov est quant à lui né le 4 avril 1962 en Moldavie, elle aussi alors une république soviétique, et a servi pendant plus de 20 ans dans la flotte du Pacifique avant d'être entre 2013 et 2020 le commandant adjoint de la flotte du Nord, puis de devenir en septembre 2022 le chef de la flotte de la mer Noire, apprend-on dans sa biographie officielle.

La CPI, créée en 2002 pour juger les pires crimes commis dans le monde, a ouvert peu de temps après le début -en février 2022- de l'invasion russe de l'Ukraine une enquête sur d'éventuels crimes de guerre ou crimes contre l'humanité.

Ni la Russie ni l'Ukraine n'en sont membres mais ce dernier pays a accepté la compétence de la cour sur son territoire et travaille avec le procureur.

Le procureur général ukrainien Andriy Kostin, présent à Bruxelles mardi à l'occasion d'une réunion des ministres européens de la Justice, s'est montré "reconnaissant" envers Karim Khan.

"Il nous a fallu plusieurs mois de travail dévoué de la part des procureurs, des enquêteurs ukrainiens et de différentes agences ukrainiennes qui ont fourni au bureau du procureur de la CPI des milliers de preuves et d'informations", a dit M. Kostin.

Les 123 États membres de la CPI sont tenus d'exécuter les mandats d'arrêt contre M. Poutine, Sergueï Kobylach et Viktor Sokolov s'ils se rendent sur leur territoire.

La cour ne disposant pas de sa propre force de police, la mise en application des mandats dépend de la coopération internationale.