L’année dernière, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a publié un important rapport sur l’état du respect du droit international humanitaire dans le monde, avertissant que sa légitimité était menacée par le mépris, les violations délibérées et les interprétations opportunistes risquant de le transformer en « justification de la violence plutôt qu’en bouclier de l’humanité ».
Les textes fondamentaux du droit international humanitaire (DIH) sont les quatre Conventions de Genève adoptées en 1949, qui donnent également mandat au CICR de promouvoir le DIH et de fournir une assistance humanitaire aux victimes de la guerre et de la violence. Plus de 75 ans plus tard, le DIH est remis en cause à l’échelle mondiale. Outre les préoccupations soulignées dans le rapport du CICR, ses détracteurs affirment qu’il est obsolète ou que les mécanismes et les organisations chargés de le faire respecter, tels que le CICR lui-même, ne remplissent pas leur mandat.
Les doubles standards manifestes des pays qui exercent une influence disproportionnée sur les leviers de la justice internationale ont contribué à alimenter ce sentiment de crise et de désillusion. L’Ukraine est souvent citée comme un exemple où les puissances occidentales ont insisté pour que le DIH soit respecté, du moins jusqu’au retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Mais même en Ukraine, la population remet de plus en plus en question la pertinence de ce droit et des institutions chargées de promouvoir son respect.
Depuis que la Russie a occupé la Crimée et certaines parties de l’Est de l’Ukraine en 2014, le gouvernement ukrainien a invoqué le droit international pour appuyer sa cause, intentant plusieurs procédures partiellement couronnées de succès contre la Russie devant la Cour internationale de justice (CIJ). À la suite de l’invasion à grande échelle par la Russie, en février 2022, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et une autre responsable russe pour crimes de guerre présumés.
Aucune de ces mesures n’a eu d’effet dissuasif perceptible, tandis que le statut de la Russie en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies semble lui donner carte blanche pour agir en toute impunité, tout comme les États-Unis ont utilisé leur statut au sein du Conseil pour se protéger et protéger leurs alliés. « C’est une blague », déclare à The New Humanitarian Maksym Butkevych, un militant ukrainien des droits humains devenu officier dans l’armée, qui a passé plus de deux ans comme prisonnier de guerre en Russie. « Vous désobéissez et il n’y a aucune sanction, surtout si vous êtes membre permanent du Conseil de sécurité. »
Plus que toute autre question, le traitement réservé par la Russie aux prisonniers de guerre ukrainiens – et le sentiment que le CICR n’a pas réussi à mettre fin aux abus, ni même à les atténuer – a renforcé le scepticisme à l’égard du DIH en Ukraine. Les prisonniers de guerre ne sont pas seulement des captifs dans un conflit armé ; ils sont devenus les pions d’une guerre de l’information et d’une attaque contre des valeurs qui risque de détruire les règles destinées à les protéger.
La « Convention de Moscou »
À peu près au moment où le CICR publiait son rapport, une coalition d’organismes gouvernementaux, de ministères et d’organisations de la société civile ukrainienne a publié ce qu’elle appelle la Convention de Moscou. Ce document renverse le langage juridique des Conventions de Genève pour énumérer les abus commis par la Russie à l’encontre des prisonniers de guerre ukrainiens et accuser le monde et le CICR de tolérer ces crimes. « La Russie torture les prisonniers ukrainiens et ne permet pas aux organisations internationales de leur rendre visite. Il s’agit là de violations directes des Conventions de Genève », peut-on lire sur le site web. « En raison de sa “neutralité”, la Croix-Rouge garde le silence sur les crimes de la Russie et lui permet d’écrire ses propres règles. »
Pour le CICR en Ukraine, cette accusation est un malentendu et tourne en dérision les lois et les valeurs qui sous-tendent ses missions humanitaires et les règles de la guerre. La Convention de Moscou « est l’expression de la frustration des autorités ukrainiennes ; je comprends d’où elle vient et je vois la motivation qui la sous-tend, mais je suis très irrité par le fait qu’un élément du droit international humanitaire, les Conventions de Genève, soit bafoué », explique Jürg Eglin, chef de la délégation du CICR en Ukraine, à The New Humanitarian. « La neutralité n’est pas un concept moral, mais un outil, un instrument permettant d’accomplir des choses qui ne pourraient être réalisées autrement. »
La troisième Convention de Genève de 1949 comprend des articles juridiques sans ambiguïté sur le traitement des prisonniers de guerre, stipulant notamment la protection contre la violence, y compris la torture et les punitions collectives ; la fourniture de soins médicaux adéquats, de nourriture, de vêtements, d’hygiène et d’exercice physique ; une correspondance régulière ; et les visites confidentielles du CICR, qui est chargé de surveiller les conditions de détention et d’informer les proches des prisonniers de guerre de leur lieu de détention.
Des milliers de prisonniers de guerre ukrainiens vivent la situation inverse. « Citez-moi un seul article de la Convention de Genève concernant les prisonniers de guerre qui ait été respecté », dit Butkevych, en évoquant sa détention en Russie. « Bon, ils ne nous ont pas tués sur place, comme ils l’ont fait avec d’autres. »
Selon des groupes ukrainiens de défense des droits humains et le Centre de coordination des agences pour le traitement des prisonniers de guerre, la Russie détient des milliers de prisonniers de guerre et de civils ukrainiens dans plus de 100 lieux de détention en Russie et dans les territoires ukrainiens occupés. Le nombre réel de détenus est inconnu, car la Russie respecte rarement son obligation d’informer l’Ukraine sur les prisonniers qu’elle détient.
Abus et tortures systématiques
L’Ukraine détient un nombre probablement moins important, mais également non divulgué, de prisonniers de guerre russes dans cinq camps. Les deux parties ont accepté plus de 60 échanges de prisonniers depuis 2022, permettant le retour de plus de 4.500 prisonniers de guerre ukrainiens et probablement d’un nombre similaire de Russes.
Fait prisonnier en juin 2022, Butkevych a été victime de coups, d’une alimentation insuffisante, d’un manque total d’hygiène, de mois sans exercice physique ni même de chaussures, et de punitions collectives fréquentes, avant d’être échangé en octobre 2024.
La Mission de l’Onu pour la surveillance des droits de l’homme en Ukraine (HRMMU) affirme que des abus et des tortures systématiques sont commis à presque tous les stades et dans tous les lieux de détention, par plusieurs services de sécurité et pénitentiaires de la Fédération de Russie et dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. « L’ampleur et l’étendue des tortures sont franchement difficiles à imaginer », déclare Danielle Bell, cheffe de la mission HRMMU, au New Humanitarian, ajoutant que ces abus sont les pires qu’elle ait rencontrés en 24 ans de travail dans le domaine des droits humains au Timor oriental, en Afghanistan, en Irak, en République centrafricaine et au Soudan.
La HRMMU n’a pas accès aux lieux de détention en Russie ou dans les territoires occupés. Ses conclusions sont basées sur des entretiens approfondis avec plus de 400 prisonniers de guerre ukrainiens échangés. Elle a conclu que plus de 95% d’entre eux sont soumis à des actes de torture, notamment des coups violents, des chocs électriques, des violences sexuelles, des simulacres d’exécution et des traitements humiliants et dégradants. « Ils ont souvent été détenus pendant plus de deux ans dans plusieurs établissements où la torture était une réalité quotidienne », explique Bell.
Faute d’informations, on ne sait pas exactement combien de prisonniers de guerre ukrainiens sont morts en détention. La HRMMU a confirmé 21 décès, tandis que le Centre de coordination ukrainien affirme que 169 corps ont été restitués, dont 84 étaient enregistrés comme prisonniers de guerre auprès du CICR, ajoutant que 15 civils ukrainiens sont également morts en détention dans le cadre du conflit.
Les autorités ukrainiennes ont documenté, souvent à partir d’images de drones accessibles au public, plus de 170 exécutions de combattants ukrainiens capturés ; la HRMMU en a vérifié 79. Des preuves publiées dans les médias internationaux, notamment par des agents pénitentiaires russes ayant fui la Russie, indiquent que la torture et les exécutions sont une politique délibérée de l’État russe.
Du côté ukrainien, la HRMMU a eu libre accès aux prisonniers de guerre russes dans les prisons et les camps depuis 2022, selon Bell, qui ajoute que lorsque la mission a documenté des mauvais traitements, les autorités ont rapidement mis en œuvre des changements. Certains cas de torture et de mauvais traitements continuent de se produire avant que les prisonniers n’atteignent les lieux de détention officiels, et « nous sommes en dialogue permanent avec les autorités ukrainiennes à ce sujet », dit-elle.
Le droit humanitaire instrumentalisé
La Russie n’a pas répondu aux protestations de l’Ukraine ni aux conclusions de la HRMMU concernant ses abus à l’encontre des prisonniers de guerre. Mais elle invoque fréquemment le DIH lorsqu’elle veut condamner l’Ukraine pour des violations, ce qui illustre bien comment certains pays se réfèrent de manière sélective au DIH pour servir leurs propres intérêts. « Je me souviens de cas où nos rapports ont été cités par les autorités russes au sujet d’actes de torture commis à l’encontre de prisonniers de guerre russes », dit Bell. « La crédibilité de nos conclusions est donc reconnue. » Le rôle de la mission est de rendre publics les faits afin de contrer les discours profondément politisés ou mensongers, ajoute-t-elle.
Selon Butkevych, « les Conventions de Genève n’ont jamais été appliquées » après sa capture. Au lieu de cela, les tribunaux de l’Est de l’Ukraine occupée et de Russie l’ont condamné pour avoir violé les conventions en tirant sur des civils (des preuves montrent que Butkevych ne se trouvait même pas à l’endroit où le crime présumé a été commis). « La seule fois où j’ai vu les Conventions de Genève mentionnées, c’était dans l’acte d’accusation officiel contre moi et dans le verdict du tribunal », raconte-t-il. « Ils utilisent [les conventions] pour accuser les prisonniers de guerre ukrainiens de les avoir violées, et c’est tout. »
Ironie du sort, une fois condamné pour crimes de guerre, les conditions de détention de Butkevych se sont en fait améliorées. Il a été autorisé à correspondre avec l’extérieur et à regarder la télévision en prison.
La Russie a jugé et condamné des centaines de prisonniers de guerre ukrainiens, tant pour des crimes de guerre présumés que pour leur simple appartenance à certains bataillons de l’armée ukrainienne qu’elle a désignés comme organisations terroristes en 2022. En 2023, une brochure promue par la délégation russe aux Nations unies a été distribuée lors des sessions de l’Onu. elle contenait des témoignages de crimes contre l’humanité présumés, commis par les forces ukrainiennes dans certaines parties de l’Est de l’Ukraine actuellement occupées par la Russie. Bon nombre de ces témoignages proviennent de prisonniers de guerre ukrainiens, dont les noms et les photos sont publiés.
La HRMMU note que ces procès violent le principe de l’immunité pour la simple participation à des hostilités et le droit des prisonniers de guerre à un procès équitable. Il existe « un risque élevé que les déclarations auto-incriminantes des prisonniers de guerre ukrainiens contenues dans la brochure aient été obtenues sous la contrainte », note le rapport de 2023, qui ajoute que cette brochure viole le droit des prisonniers de guerre à être protégés de la curiosité publique.
Punis pour avoir parlé ukrainien, privés de tout contact avec le monde extérieur, informés qu’ils avaient été abandonnés par leur pays et leur famille, les prisonniers de guerre échangés affirment avoir fait de faux témoignages ou signé des aveux pour mettre fin aux tortures et dans l’espoir d’être ensuite libérés dans le cadre d’un échange.
Pour les familles, les aveux publiés et les décisions de justice peuvent parfois être les premières nouvelles qu’elles reçoivent de leurs proches. Bien que les parties belligérantes soient tenues d’informer les proches via le CICR, la majorité des familles des prisonniers de guerre ukrainiens n’ont aucun contact avec eux et ne savent pas où ils sont détenus, ni même s’ils sont encore en vie. « C’est très difficile pour les familles, car la seule chose dont elles sont certaines, c’est que leurs proches souffrent énormément », déclare Bell.

Colère contre le CICR et l’Onu
Les preuves accablantes d’abus ont choqué et indigné la société ukrainienne. Elles ont exacerbé la haine envers la Russie et le désenchantement envers les entités chargées de surveiller et de faire respecter le DIH. Cette colère vise souvent le CICR, qui a pour mandat de rendre visite aux prisonniers de guerre mais qui n’a pratiquement aucun accès à ceux détenus par la Russie.
Le CICR, qui travaille en Ukraine des deux côtés de la ligne de front depuis 2014, est critiqué depuis les premiers jours de l’invasion à grande échelle en 2022. En mai 2022, il a facilité l’évacuation et l’enregistrement en tant que prisonniers de guerre de plusieurs centaines de combattants ukrainiens de l’aciérie Azovstal, à Marioupol. Lorsque la Russie a commencé à les juger et que plus de 50 autres ont été tués dans une explosion dans un camp de prisonniers à Olenivka, dans la région de Donetsk occupée par la Russie, beaucoup de leurs proches ont estimé que le CICR les avait trahis. Une association de leurs parents fait partie de la coalition qui a publié la Convention de Moscou.
Serhiy Tarasiuk, 58 ans, faisait partie des soldats qui s’étaient rendus et avaient été transférés à Olenivka. La Russie a refusé à l’Onu et au CICR l’accès au site de l’explosion pour mener une enquête. Serhiy a survécu. En mai 2023, le CICR a informé sa femme, Ludmila Tarasiuk, que la Russie avait confirmé qu’il était prisonnier de guerre. « J’avais alors un peu d’espoir que, l’ayant confirmé, cela signifiait peut-être qu’il y aurait une plus grande responsabilité envers la vie humaine », raconte Ludmila. Mais des prisonniers de guerre échangés lui ont dit que son mari était détenu dans une cellule avec environ 40 autres personnes qui avaient contracté la tuberculose, dont beaucoup mouraient sans soins médicaux. « J’ai compris ce qu’est la captivité : c’est une mort lente », déclare-t-elle.
Tarasiuk s’est jointe à une délégation de parents qui s’est rendue au siège du CICR à Genève, en 2023, dans l’espoir d’encourager une intervention. Mais sa foi dans le système judiciaire international représenté par l’Onu et le CICR était en lambeaux. « Je m’étais imaginé les choses tout autrement. Ces organisations semblaient si influentes, respectées et vraiment capables d’agir. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun espoir en elles », dit-elle. Son mari est finalement rentré chez lui à la fin de l’année dernière, au terme d’un échange de prisonniers.
La neutralité pour garder l’accès
Le CICR affirme qu’attendre de lui qu’il dénonce les atrocités ou force le respect du droit international humanitaire relève d’une méconnaissance de ses capacités et de son rôle, qui est de rester neutre et apolitique afin de pouvoir s’entretenir en toute confidentialité avec toutes les parties à un conflit pour aider les non-combattants.
Selon Eglin, le dialogue avec la Russie permet au CICR de continuer à fournir une aide humanitaire dans les territoires ukrainiens occupés – où il est la seule agence internationale autorisée à opérer –, de soulever la question du traitement des prisonniers de guerre et de fournir aux familles des informations sur leurs proches en captivité par l’intermédiaire des bureaux nationaux d’information des deux parties et de l’Agence centrale de recherches (ACR) du CICR à Genève.
L’ACR a fourni des informations à 12.500 familles ukrainiennes et russes sur le sort ou la localisation de leurs proches. Plus de 12.000 messages ont été échangés entre des prisonniers de guerre et des membres de leur famille, tandis que plus de 5.400 prisonniers de guerre ont reçu des visites. Ces données ne sont toutefois pas ventilées, ce qui suscite la colère des autorités ukrainiennes, qui affirment que la grande majorité des visites concernent des prisonniers de guerre russes en Ukraine.
« Il serait bon que le CICR ne manipule pas ces chiffres, mais indique clairement combien de visites il a pu effectuer », déclare Petro Yatsenko, porte-parole du Centre ukrainien de coordination du traitement des prisonniers de guerre. « N’ayez pas peur de dire qui a violé le droit international humanitaire. »
Eglin souligne que d’autres organisations documentent et attirent l’attention du public sur le sort des prisonniers de guerre ukrainiens, mais qu’aucune n’a réussi à obtenir un meilleur accès à ces derniers ni à améliorer leurs conditions de détention. Selon lui, le recours au « droit de dénonciation », très rarement utilisé dans l’histoire de l’organisation, ne ferait que réduire le peu que le CICR a pu accomplir. « Nous n’avons rien ou presque rien à gagner à nous exprimer, car nous ne détenons aucune information que le monde ne connaît déjà », explique Eglin. « Nous pourrions faire mieux, nous pourrions faire plus, mais nous exprimer compromettrait très rapidement ce que nous faisons. »
Un argument peu convaincant pour ceux qui ont vécu la détention russe, comme Butkevych, qui a passé une grande partie de sa vie à travailler avec des organisations humanitaires, telles que le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), et en tant que militant international des droits humains. Au départ, Butkevych et d’autres prisonniers de guerre espéraient que le CICR leur apporterait une aide quelconque, ou au moins permettrait à leurs familles de savoir qu’ils étaient encore en vie, mais cela ne s’est jamais concrétisé. Au bout d’un certain temps, « on a cessé d’attendre », confie-t-il. « Je crains qu’à un moment donné, les prisonniers de guerre aient fini par considérer le CICR comme une plaisanterie. »

La fin du respect du droit et de la neutralité ?
En Ukraine, nombreux sont ceux qui affirment que les organisations humanitaires doivent toujours signaler une violation des règles et leurs auteurs. « Bien sûr, la nature même de la guerre est de détruire toutes les règles. Mais nous savons que des envahisseurs comme la Russie continuent de travailler avec le reste du monde. Et le reste du monde devrait savoir comment se comporter avec un tel envahisseur et comment l’empêcher de commettre des crimes de guerre », estime Yatsenko.
Amnesty International, qui a récemment publié un rapport sur les abus commis à l’encontre des prisonniers de guerre ukrainiens, voit les choses différemment. « Laissons le CICR remplir son mandat », déclare Veronika Velch, directrice générale d’Amnesty International Ukraine, à The New Humanitarian. « C’est un partage du travail. Ce que nous pouvons faire, c’est plaider publiquement, et c’est ce que nous ferons. »
Alors que le CICR tente de poursuivre son travail en coulisses, les conclusions publiques d’autres agences devraient déclencher des mécanismes de justice internationaux pour mettre fin aux violations du DIH et dissuader les parties de commettre de nouvelles violations, déclare Bell, de la HRMMU. « On espère qu’un jour, il y aura une justice pleine et entière, des enquêtes, des poursuites, des sanctions, des réparations et des recours efficaces pour ceux qui ont subi ces violations horribles, ainsi que des mesures de prévention », ajoute-t-elle.
Malgré le déclin du respect dont il fait l’objet, le DIH est le seul instrument dont dispose le monde pour réduire les ravages de la guerre en Ukraine et ailleurs, note Eglin. « Quelle est l’alternative ? », interroge-t-il.
Les groupes de défense des droits humains et les autorités ukrainiennes ont fait des suggestions, allant d’une réactualisation des Conventions de Genève pour couvrir les nouvelles technologies telles que la communication en ligne avec les proches, jusqu’au remplacement (ou l’ajout) du CICR par un réseau de médiateurs nationaux des droits humains ou par un pays tiers pour intervenir au nom des prisonniers de guerre. Une autre proposition consiste à rédiger une nouvelle convention qui prévoirait des sanctions concrètes en cas de violation du droit international humanitaire. Mais tant que les pays qui violent le droit international sont membres du Conseil de sécurité de l’Onu – ou sont des alliés proches de ceux-ci –, il est peu probable que de telles mesures soient soutenues.
Entretemps, alors que les termes d’un accord de paix possible mais incertain entre l’Ukraine et la Russie sont débattus dans les capitales étrangères, beaucoup en Ukraine craignent que la Russie ne soit jamais tenue responsable de son agression et de ses crimes de guerre.
Pour Butkevych, il est extrêmement difficile de garder son humanité et de respecter le droit international dans un monde qui semble l’avoir abandonné. Pourtant, malgré sa propre expérience, il continue de croire aux valeurs du DIH et estime qu’il est dans l’intérêt de son pays de les respecter, même avec la Russie. « Je pense que l’Ukraine doit continuer de traiter les prisonniers de guerre russes conformément au DIH, car nous ne sommes pas comme eux et nous ne devons pas leur ressembler. Nous devons traiter les êtres humains comme des êtres humains », dit-il. « J’y crois sincèrement, même si parfois il est difficile de comprendre l’injustice. »
Cet article a été initialement publié par The New Humanitarian, où il a été édité par Eric Reidy. The New Humanitarian met un journalisme indépendant et de qualité au service des millions de personnes touchées par les crises humanitaires à travers le monde. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.thenewhumanitarian.org. Justice Info est seul responsable de la traduction française.
