20 ans de prison pour Ali Kosheib

L’ancien responsable de la milice soudanaise des Janjawids, âgé de 76 ans, avait été reconnu coupable par la Cour pénale internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis au Darfour il y a plus de 20 ans.

Ali Kosheib à la CPI
Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, également connu sous le nom de guerre Ali Kosheib, assiste à l'audience de prononcé du verdict à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, le 6 octobre 2025. Photo : © Piroschka van de Wouw / ANP / AFP
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La Cour pénale internationale (CPI) a condamné mardi un chef de milice soudanais à 20 ans d'emprisonnement pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis durant la guerre civile il y a vingt ans dans la région du Darfour.

Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, également connu sous le nom de guerre d'Ali Kosheib, a été reconnu coupable en octobre de multiples crimes, dont viol, meurtre et torture, perpétrés au Darfour entre 2003 et 2004.

Vêtu d'un costume bleu et d'une cravate, l'homme de 76 ans est resté impassible lors du prononcé de sa peine par la juge Joanna Korner.

M. Abd-Al-Rahman, qui s'est rendu de son propre chef en 2020 à la CPI, était un haut responsable de la milice soudanaise des Janjawids et a "activement" participé à la commission des crimes, a conclu le tribunal.

La juge Korner a précisé qu'il avait "personnellement perpétré" des passages à tabac, utilisant notamment une hache, et ordonné des exécutions.

Elle a évoqué ses victimes qui ont déclaré qu'il avait mené une "campagne d'extermination, d'humiliation et de déplacement".

La magistrate a également lu devant la cour des témoignages glaçants sur leurs souffrances endurées sous le joug des Janjawids, une force paramilitaire à majorité arabe armée par le gouvernement soudanais pour tuer principalement des groupes africains noirs au Darfour il y a deux décennies.

"Tueur à la hache"

"Les journées de torture commençaient au lever du soleil,(...) le sang coulait à flots dans les rues (...) Il n'y avait ni aide médicale, ni traitement, ni pitié", a décrit Mme Korner.

Elle a ajouté que M. Abd-Al-Rahman avait personnellement marché sur la tête d'hommes, de femmes et d'enfants blessés.

En novembre, le procureur Julian Nicholls avait demandé l'emprisonnement à perpétuité pour M. Abd-Al-Rahman. "Un tueur à la hache se tient littéralement devant vous", avait-il déclaré face aux juges.

M. Abd-Al-Rahman avait nié être un haut responsable des Janjawids. Il s'est enfui en République centrafricaine en février 2020 lorsqu'un nouveau gouvernement soudanais a annoncé son intention de coopérer avec l'enquête de la CPI.

Il a déclaré s'être rendu parce qu'il était "désespéré" et craignait que les autorités ne l'exécutent, une affirmation que le tribunal a rejetée.

Sa reddition volontaire était l'un des facteurs qui ont atténué la peine, tout comme son âge et son bon comportement pendant sa détention.

"La chambre aurait prononcé une peine plus lourde s'il n'y avait pas eu les circonstances atténuantes évoquées ci-dessus", a déclaré Mme Korner.

Le temps qu'il a déjà passé en détention depuis juin 2020 sera déduit de sa peine.

"Symbolique"

Les combats avaient éclaté en 2003 au Darfour lorsque des rebelles, dénonçant une discrimination ethnique systématique, ont pris les armes contre le régime d'Omar el-Béchir, majoritairement arabe.

Khartoum a réagi en déployant la milice Janjawid, composée de membres des groupes nomades de la région.

Selon l'ONU, le conflit au Darfour, qui a pris fin en 2020, a fait 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés.

Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre entre l'armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), issues des Janjawids. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et des millions déplacées.

Début novembre, le bureau du procureur de la CPI a averti que les atrocités commises dans la ville d'El-Facher au Soudan pourraient constituer des crimes de guerre et contre l'humanité.

En prononçant la sentence, Mme Korner a déclaré que la CPI souhaitait garantir à la fois "punition et dissuasion".

Elle a ajouté que "la dissuasion est particulièrement appropriée dans cette affaire, compte tenu de la situation actuelle au Soudan".

Les représentants des victimes souhaitaient que la peine soit suffisamment longue pour que M. Abd-Al-Rahman ne puisse jamais retourner au Soudan.

La CPI, qui juge les individus pour les crimes les plus graves, peut imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité mais ne l'a jamais fait.

La condamnation de M. Abd-Al-Rahman est "très symbolique", a déclaré le procureur général de la CPI, Mame Mandiaye Niang, lors d'une interview accordée à l'AFP.

"C'est un signal pour les victimes du Soudan, mais aussi pour ceux qui commettent des crimes, que la justice peut être lente mais qu'elle finira par vous rattraper", a-t-il déclaré.

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