Affaire Munyeshyaka : une association de parties civiles conteste les conclusions du procureur

Affaire Munyeshyaka : une association de parties civiles conteste les conclusions du procureur©Hewsan Pang
Eglise Sainte Famille, Kigali
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Après que le procureur en France eut annoncé, en août dernier, avoir requis un non-lieu pour  un prêtre catholique rwandais suspecté participation au génocide des Tutsis de 1994, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) a déposé lundi ses conclusions devant les juges d'instruction.

Après vingt ans d'enquête, le parquet français a annoncé, en août, avoir requis un non-lieu pour l'ancien vicaire à la paroisse de la Sainte Famille, à Kigali, l'Abbé Wenceslas Munyeshyaka dont le dossier avait été confié à la France par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

Agé de 57 ans, le prêtre rwandais, qui a toujours clamé son innocence, a été accueilli en France peu après le génocide des Tutsis de 1994 et officie aujourd'hui dans une paroisse du nord-ouest du pays.

Poursuivi en France pour génocide dès 1995 et condamné par contumace au Rwanda en 2006, l'homme d'église avait été également poursuivi par le TPIR. Fin 2007, le Tribunal international a transféré son dossier, de même que celui de l'ancien préfet de Gikongoro (sud-ouest) Laurent Bucyibaruta, à la justice française.

Le parquet de Paris a justifié le non-lieu essentiellement par une insuffisance de charges précises.

Les parties avaient jusqu'au lundi 21 septembre pour faire connaître leur point de vue. Les avocats du CPCR, Mes Michel Laval et Sophie Dechaumet, ont donc remis lundi leur note à la juge chargée de cette affaire pour contester les conclusions  du procureur, selon un communiqué du président de l'association, Alain Gauthier.

 

C’est aux juges d’instruction de décider

 

« Les avocats du CPCR constatent que si Wenceslas Munyeshyaka n'est pas directement l'auteur des actes criminels commis sur le site de la paroisse de la Sainte Famille, il convient de relever que ces actes n'auraient pu être exécutés sans les éléments de préparation qu'il aurait pu fournir », écrit M. Gauthier dans le communiqué.

Pour le président du CPCR, « il existe une implication constante indirecte de Wenceslas Munyeshyaka dans les différentes attaques, qui ne peuvent être le fait de coïncidences ».

Le Collectif souligne « en outre, les dysfonctionnements délibérés des mesures de sécurité, dont la responsabilité est directement imputable » au prêtre. Alain Gauthier reproche par ailleurs au parquet français de « passer sous silence un nombre considérable d'éléments et de témoignages permettant d'établir une complicité active dans le processus génocidaire ».

« Le rôle de Wenceslas Munyeshyaka durant le génocide de 1994 a pu susciter de très nombreuses interrogations, mais l'instruction n'a pas permis de corroborer de façon formelle une participation active », avait expliqué le procureur de la République dans un communiqué. 

Dans son réquisitoire, le parquet constatait que même si de fortes interrogations subsistaient sur le rôle du prêtre durant le génocide, l'enquête, menée depuis 20 ans, n'avait pas pu y répondre de façon formelle.

Interrogé par JusticeInfo.Net après l'annonce des conclusions du parquet à Paris, le bureau du procureur au TPIR n'a toujours pas répondu.

La défense Munyeshyaka disposait du même délai que les parties civiles pour faire connaître  son avis aux juges d'instruction. C’est à ces magistrats qu’il appartient de décider si l'ancien vicaire de la Sainte Famille doit comparaître devant un tribunal, ou non.

Selon le CPCR, la France aurait demandé « avec insistance » au TPIR de la laisser juger Munyeshyaka et Bucyibaruta.