OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : Bemba condamné, la paix en Colombie

La semaine de la justice transitionnelle : Bemba condamné, la paix en Colombie©AFP/Raul Arboleda
Manifestations en Colombie après la conclusion de l'accord de paix
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La condamnation à 18 ans de prison de Jean-Pierre Bemba, le chef de guerre congolais par la Cour Pénale Internationale a dominé la semaine de la justice transitionnelle. Bemba qui fut vice-président de la RDC est le responsable le plus élevé condamné par cette Cour et il écope de la peine la plus lourde jamais prononcée par la CPI. Il a été condamné pour divers crimes de guerre dont de nombreux viols commis par ses milices dépêchées en RCA en 2002, faisant la aussi jurisprudence quant à la responsabilité des commandants et à la catégorisation des violences sexuelles en terme de justice pénale internationale.

Malgré ces avancées, le verdict a été critiqué comme trop partiel : les responsables centrafricains échappant toujours à la justice. « Le procès laisse en suspens de larges pans de l’histoire de la guerre civile centrafricaine de 2002-2003”, écrit Le Monde. Ni le président centrafricain déchu Ange-Félix Patassé, ni son successeur auteur d’un coup d’Etat victorieux, François Bozizé, n’ont été inquiétés par la cour.

Autre tournant cette semaine, l’accord de paix signé jeudi 23 entre le gouvernement colombien et la principale guérilla, les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC). « Puisse ce jour être le dernier de la guerre », a espéré le dirigeant des FARC Timoleon Jimenez, alias « Timochenko », tandis que le Président Colombien Juan Manuel Santos annonçait « la fin des FARC en tant que groupe armé ».
Cet agrément met théoriquement fin à 32 ans d’une guerre qui a fait près de 300 000 morts. Il reste qu’en termes de justice, l’accord apparait lacunaire assurant une large impunité tant aux FARC qu’aux militaires et paramilitaires présumés coupables de violations graves des droits de l’homme.

Sur un autre continent, le Myanmar d’Aung San Sui Ky parait toujours autant éloigné des processus de justice et de réparations. Ainsi comme le dénonce dans JusticeInfo.net Adama Dieng, conseiller sur la prévention du génocide auprès du secrétaire général de l’ONU, le gouvernement birman entend dénier leur identité à la minorité musulmane martyrisée des Rohingyas en mettant en garde la communauté internationale d’utiliser le nom même de “rohingya”. Dieng écrit : Même l’usage du terme “Rohingya” pour décrire ce groupe religieux et ethnique est devenu une question sensible et hautement politisée. En fait, il n’est pas permis aux Rohingyas d’exercer leur droit d’auto-identification, un droit pourtant reconnu par le droit international des droits de l’homme et consacré dans la jurisprudence des comités de traités sur les droits de l’homme. A la place, des termes dénigrants tels que “intrus”, “étrangers” ou “indésirables” sont utilisés pour les désigner. » Une nouvelle fois, la Prix Nobel de la Paix a cédé à la majorité birmane de la population et aux militaires qui l’ont pourtant opprimée durant des années.

Adama Dieng explique parlant notamment de l’Allemagne nazie que « les théories et propagandes à propos de la pureté et de la supériorité raciale ont été utilisées pour propager la haine ».

Ainsi au Kenya, où huit parlementaires ont été arrêtés puis libérés sous caution pour avoir disséminé des discours racistes et haineux, remuant les braises mal éteintes des conflits ethniques en marge des élections de 2007 qui avaient fait des centaines de morts. Aileen Kitumai, correspondante de JusticeInfo.net écrit citant le Kenyan Standard : « « Le consensus général parmi les Kényans est que le discours de la haine ne doit jamais être toléré. Nous pouvons avoir nos divergences politiques, parce que c'est cela la démocratie, mais les intérêts du pays doivent toujours venir en premier lieu  ».

Enfin, ne jamais oublier la société civile qui comme en Tunisie secoue les processus endormis ou complices de la justice transitionnelle armée de sa jeunesse, de ses convictions et des réseaux sociaux. Ainsi, la correspondante de JusticeInfo.net , Olfa Belhassine écrit : « Après avoir été discutée, préparée et ficelée dans le secret d’un groupe privé sur Facebook, la riposte des jeunes atterrit dans la rue. Leur champ d’action privilégié, là où ils renouent avec la liberté, la fureur, la créativité et l’énergie des jours de révolution… ». Les activistes du groupe Manich msamah collent ainsi des affiches dévastatrices dénonçant comme « wanted » les copains et coquins de l’ancien régime que veut blanchir le projet de loi sur « la réconciliation économique et financière », du président Béji Caied Essebsi. Efficacité garantie.