OPINION

La semaine de la justice transitionnelle :Union africaine, RCA et Sri Lanka

La semaine de la justice transitionnelle :Union africaine, RCA et Sri Lanka©UA/AU
Sommet de l'UA à Kigali
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 La semaine de la justice transitionnelle et de Justiceinfo.net a été dominée par le sommet de l’Union Africaine à Kigali. Cette réunion devait confirmer à grand bruit la guerre ouverte entre le continent et la Cour Pénale Internationale. Mais, écrit notre envoyé spécial, Emmanuel Sehene Ruvugiro, la montagne a accouché d’une souris.

« Alors que la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, avait annoncé, la veille du sommet, que les maîtres du continent allaient se pencher sur la question, le président en exercice de l’Union, le Tchadien Idriss Déby, n’y a même pas fait allusion. Le monde n’a pas eu droit aux grands procès d’intention contre la CPI, dont certains chefs d’Etat africains commençaient à avoir l’habitude lors de leurs interventions du haut de la plus prestigieuse tribune du continent ». L’explication la plus vraisemblable à cet étrange silence : le désaccord entre les chefs d’Etat africains sur la conduite à tenir vis-à-vis de cette Cour, accusée de « racisme » et de «  partialité anti africaine ».

Ce débat est d’autant plus intéressant que l’UA et le continent africain ont su juger l’un des leurs, Hissène Habré, par une cour panafricaine, comme le rappelle Pierre Hazan, conseiller éditorial de Justiceinfo.net. Pierre Hazan souligne que ce tribunal, les Chambres Africaines Extraordinaires a reconnu coupable l’ancien chef d’Etat tchadien de « crimes sexuels », une première pour un ancien Président.

“ Le droit pénal international n’a réprimé sévèrement le viol que récemment. Il faut attendre en 2001 le jugement dit de « Kunarac » par le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie, qui condamne trois hommes pour que le viol soit considéré pour la première fois comme un crime contre l’humanité, car s’inscrivant dans une campagne de nettoyage ethnique”, rappelle Pierre Hazan. En 1998, le Tribunal pénal international pour le Rwanda dans l’affaire Akayesu, avait jugé que le viol peut être assimilé à un crime de génocide. “ Violer les femmes d’une communauté peut être vu comme violer le corps de la communauté, et en le faisant, miner le tissu social qui le compose, explique le tribunal”, écrit Pierre Hazan. “Enfin, le 21 mars 2016, la Cour pénale internationale (CPI) a jugé Jean-Pierre Bemba, coupable de crime contre l’humanité et de crime de guerre, dont les sévices sexuels (dont le viol) infligés sur des femmes ainsi que sur des hommes par ses troupes en Centrafrique”.

RCA et Sri Lanka

Enfin, Justiceinfo.net s’est intéressé à deux pays géographiquement et historiquement éloignés l’un de l’autre mais qui partagent les mêmes interrogations en termes de justice transitionnelle : le Sri Lanka et la RCA. Deux pays à peine sortis de guerres civiles violentes et meurtrières. Dans une interview, Marie-Thérèse Keita-Bocoum, l’experte indépendante sur la situation des droits de l’Homme en RCA, explique que la réhabilitation du secteur judiciaire en état de total délabrement est impossible tant que persiste l’insécurité causée par des groupes armés qui défient le nouveau gouvernement démocratiquement élu. Mme Keita-Bocoum attend beaucoup de la Cour pénale spéciale qui devrait réunir des juges centrafricains et internationaux à des fins d’efficacité et d’impartialité.

Même constat pour le Sri Lanka de Richard Rogers, ancien responsable juridique à l’OSCE, expert juridique d’un comité de monitoring créé à la demande de la communauté tamoule, pour qui “les acteurs locaux sont tout simplement trop vulnérables et trop partisans pour gérer seuls un tribunal sur les crimes de guerre.” Mais, jusqu’à présent, le gouvernement sri lankais s’est opposé à cette internationalisation des tribunaux demandée par la communauté internationale et l’ONU. Débat ainsi sur l’identité des tribunaux et des juges, nationaux, internationaux ou hybrides pour juger des crimes de guerre et contre l’humanité qui court de Kigali à Colombo en passant par Bangui.