OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : avantage au droit ?

La semaine de la justice transitionnelle : avantage au droit ?©ICC/CPI
Le siège de la CPI à la Haye
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Comment la Cour Pénale Internationale peut encaisser le retrait coup sur coup des Philippines et du Burundi deux pays menacés par des enquêtes du Tribunal International alors que nombre pays africains usent de la même menace.

En droit strict, le retrait effectif intervenant un an après l’annonce de la décision, les enquêtes de la CPI continuent. Ni le Président Duterte qui mène une féroce et aveugle répression contre les présumés trafiquants de drogue ni le Président Nkurunziza accusé de nombreuses et systématiques violations des droits de l’homme peuvent s’estimer à l’abri des poursuites.

Comme l’écrit Stéphanie Maupas, notre correspondante à la Haye, « Le retrait n’annule pas les actes judiciaires posés par la Cour. Les Philippines ne sortiront donc pas aisément gagnantes de leur retrait. Avant elles, le Burundi a perdu cette course contre la montre, en suscitant l’ouverture – in extremis - d’une enquête de la Cour en octobre 2017, accélérant ainsi la conclusion de l’examen préliminaire conduit par la procureure ».

Un chercheur à l’université de Leiden, Sergey Vasiliev, interrogé par JusticeInfo.net, estime même que ces annonces fracassantes peuvent jouer en faveur de la Cour « en renforçant son image d’agent anti-impunité ».

Il reste, explique JusticeInfo.net, que ces décisions interviennent alors que la CPI parait affaiblie. « Ses adversaires utilisent ses errements, que ce soit la pauvreté de certains dossiers – comme celui du Kenya et d’autres -, le nombre de jugements rendus (sept en vingt ans d’existence), des choix de politiques pénales tendancieux, ou sa mauvaise gouvernance », écrit Stéphanie Maupas.

Le remède, selon tous les analystes, une meilleure CPI, rendant une meilleure justice. « Sa vulnérabilité actuelle ne sera pas surmontée par la sensibilisation et les interventions d'ONG et de diplomates amis, mais par le bouclier d'une justice de qualité. », conclue sévèrement Sergey Vasiliev.

Autre preuve que la justice transitionnelle est fragile et contestée, la polémique sur la prolongation d’un an du mandat de la Commission Vérité en Tunisie, l’Instance Vérité et Dignité (IVD).

Depuis que l’Instance Vérité et Dignité (IVD) a annoncé le 27 février sa décision de proroger son mandat d’une année, le parlement quasi majoritairement hostile à la justice transitionnelle fait tout pour empêcher cette mesure. Les ONG tunisiennes et internationales se sont mobilisées pour contre-attaquer et défendre l’IVD. Elles accusent l’Assemble tunisienne de vouloir « anéantir l’ensemble du processus de justice transitionnelle ». Après avoir entravé ses travaux tout au long des quatre années de son existence. En limitant l’accès aux archives publiques de l’Etat, aux dossiers judiciaires, notamment ceux du Tribunal militaire concernant les procès des martyrs et des blessés de la Révolution, et à l’absence de collaboration de l’Etat dans le cadre du mécanisme de réconciliation et d’arbitrage. La Présidente de l’IVD, Sihem Bensedrine rappele aussi le  nombre important de dossiers parvenus à l’Instance dépassant la barre de 63 000 plaintes. « Du jamais vu par une Commission Vérité dans le monde selon elle ».

Mais, comme la CPI, rappelle notre correspondante à Tunis, Olfa Belhassine, l’IVD loin d’être exemplaire :

« Ce que la présidente ne dit toutefois pas c’est que le retard accusé dans l’avancement des travaux de l’Instance vient aussi des diverses crises vécues à l’intérieur des coulisses de la commission vérité. A la suite entre autres de trois démissions et de trois révocations de commissaires survenus entre juillet 2014 et novembre 2016 (avec neuf sur les 15 commissaires à l’origine, l’IVD fonctionne aujourd’hui sans quorum), ainsi que d’un climat de suspicion généralisé et d’une mauvaise gouvernance ».

Ce défaut d’exemplarité indispensable pour des institutions censées dire la vérité et le droit pourraient être aussi mis en exergue au Mali. Notre partenaire à Bamako Studio Tamani, citant l’expert indépendant de l’ONU, Suliman Baldo, explique que la situation des droits de l’homme se détériore au Mali. Studio Tamani écrit : Selon l’expert indépendant, l'extension de l’insécurité au centre et au sud du pays entrave les défis énormes que le Mali a projetés dans les domaines de la bonne gouvernance et du développement et il exhorte les autorités à multiplier les efforts en faveur de la lutte contre l’impunité ».