Un jihadiste malien poursuivi pour crimes de guerre présenté à la CPI

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Un jihadiste malien a fait sa première apparition devant la justice internationale mercredi, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité: des viols, tortures et destructions de patrimoine à Tombouctou.

Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud est accusé d'avoir participé en 2012 et 2013 à la démolition de mausolées dans la ville malienne et d'être responsable de viol et d'esclavage sexuel commis dans le contexte de mariages forcés.

Des accusations de torture pèsent également contre le jihadiste, qui a été remis à la Cour pénale internationale (CPI) par les autorités maliennes samedi et transféré au centre pénitentiaire de la Cour, à La Haye.

Lors de sa première apparition à la CPI, Al Hassan, cheveux rasés et petit bouc, a confirmé en arabe son identité et a déclaré qu'il avait été informé des accusations portées contre lui et de ses droits.

Al Hassan a attentivement et calmement écouté la brève prise de parole du juge unique, Marc Perrin de Brichambaut, lui indiquant qu'il n'était "pas nécessaire" de lire toutes les charges qui pèsent contre lui.

"J'ai été placé dans une pièce avec une caméra de surveillance", s'est plaint d'un ton calme le Malien, vêtu d'un costume bleu marine, chemise rose et cravate marron à losanges.

"Mon client m'a informé que ses conditions de détention nuisent à sa dignité et au respect de sa vie privée", a déclaré son avocat, Yasser Hassan, "désigné il y a moins de 24 heures".

"Il s'agit d'une pratique courante", a répondu le juge, ajoutant que l'objet de la séance n'était pas de "discuter des conditions de détention".

- Flagellations et destruction -

Al Hassan, 40 ans, aurait été membre du groupe jihadiste Ansar Eddine et commissaire de la police islamique à Tombouctou. Il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la CPI le 27 mars.

Il faisait partie des groupes armés qui ont pris le contrôle de la région reculée du nord du Mali en 2012 et "imposé leur vision de la religion, par la terreur, à une population locale qui n'y adhérait pas", selon le mandat d'arrêt.

L'homme d'origine malienne avait sous son contrôle environ 40 policiers islamiques et "a joué un rôle de premier plan dans la commission de crimes, ainsi que dans la persécution religieuse et sexiste", poursuit-il.

"Toutes les infractions" aux lois islamiques strictes étaient "punies par des flagellations, des tortures pendant la détention et la destruction de sites consacrés à des pratiques religieuses", précise le mandat.

On lui reproche aussi la participation "à la politique de mariages forcés dont des Tombouctiennes ont été victimes, qui ont donné lieu à des viols répétés et à la réduction de femmes et de jeunes filles à l'état d'esclaves sexuelles", a indiqué le procureur de la CPI, Fatou Bensouda.

- Emotion à Tombouctou -

Une vague de destructions avait déferlé sur Tombouctou, fondée entre le 5e et le 12e siècles par les tribus touaregs et qui a été surnommée "la ville des 333 saints" pour le nombre de sages musulmans qui y sont enterrés.

L'arrestation du jihadiste a été accueillie à bras ouverts à Tombouctou.

""Dieu a fait son oeuvre. Al Hassan aujourd'hui arrêté! C'est l'oeuvre de Dieu. Il ne dort pas. Il a toujours veillé sur Tombouctou. Ils (les jihadistes) ont profané des tombes. Ils ont violé des femmes. C'est maintenant à leur tour d'être jugés", s'est exclamé un ancien élu, qui a voulu rester anonyme "par peur de représailles".

"C'est une avancée très importante dans la lutte contre l'impunité", a abondé Moctar Mariko, président de l'Association malienne des droits de l'homme (AMDH).

"Il faut absolument que justice soit rendue, que les autres assassins, criminels soient recherchés, arrêtés et jugés", a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant qu'il y avait des preuves accablantes contre Al Hassan.