Washington "certifie" que Ryad tente d'épargner les civils au Yémen

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Les Etats-Unis ont annoncé mercredi avoir "certifié" que l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis prenaient des "mesures manifestes" pour tenter d'épargner les civils au Yémen, une condition indispensable pour continuer à soutenir ces alliés-clés de Washington dans leur intervention controversée.

Cette décision, rapidement dénoncée par des organisations humanitaires et des élus, intervient un mois après un raid de la coalition militaire sous commandement saoudien qui a coûté la vie à 40 enfants et suscité un tollé international. Et quelques jours seulement après l'échec de pourparlers de paix à Genève, alors que les forces progouvernementales yéménites, appuyées par cette coalition, veulent prendre l'ascendant contre les rebelles Houthis.

Une loi américaine imposait à l'administration de Donald Trump une telle certification au Congrès pour maintenir inchangé son soutien logistique à ces deux pays arabes dans leur combat contre les Houthis alliés de l'Iran, bête noire des Américains.

En cas de non-certification, les Etats-Unis n'auraient plus été autorisés à ravitailler les avions saoudiens ou de la coalition menée par l'Arabie, qui intervient depuis mars 2015 dans ce conflit désormais régional qui a fait 10.000 morts en trois ans.

Conformément à cette loi, "j'ai certifié hier au Congrès que les gouvernements d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis prennent des mesures manifestes pour réduire le risque contre les civils et les infrastructures civiles dans le cadre de leurs opérations militaires", a annoncé mercredi le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo. Il a promis de "continuer à travailler étroitement avec la coalition menée par les Saoudiens" pour qu'elle "permette un accès sans entraves à l'arrivée de soutien commercial et humanitaire par autant de voies que possible".

Saluant cette décision, le ministre américain de la Défense Jim Mattis a estimé que ces mesures étaient illustrées par le soutien de Ryad et Abou Dhabi aux "efforts menés par l'ONU" pour "mettre fin à la guerre civile au Yémen".

- Soutien "aveugle" -

Depuis 2015, le Pentagone fournit un "soutien non-combattant" à la coalition menée par l'Arabie saoudite au Yémen, sous la forme d'armes, de renseignement et de ravitaillement aérien.

Mais cette aide fait grincer des dents de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme ainsi que des élus américains des deux bords.

Ces derniers avaient tenté au printemps de faire adopter par le Sénat américain une résolution visant à arrêter cette assistance militaire, mais elle avait été rejetée par une courte majorité. Ils ont alors ensuite réussi à imposer la demande de "certification".

Or fin août, une mission d'experts des Nations unies a conclu que tous les acteurs du conflit au Yémen avaient commis "un nombre considérable de violations du droit international" dont plusieurs s'apparentant à des "crimes de guerre". Leur rapport, qui dénonce la généralisation des détentions arbitraires, de la torture et du viol, souligne aussi que les frappes de la coalition sous commandement saoudien "ont causé le plus de victimes civiles directes".

Alors que le Pentagone a défendu ses alliés, le département d'Etat avait assuré fin août prendre "au sérieux" le rapport de l'ONU. "Nous pensons que rien ne peut justifier de tels crimes, s'ils ont effectivement eu lieu", avait dit la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert.

Sous la pression notamment des Etats-Unis, les forces menées par Ryad ont dû reconnaître des "erreurs" après le raid contre un bus et promis des sanctions contre les responsables -- un geste salué par Washington.

"L'administration Trump place ses alliés du Golfe avant les familles yéménites qui luttent pour leur survie", a déploré Oxfam après la certification américaine, dénonçant un soutien "aveugle". "Cette administration intensifie une politique qui a échoué et qui ne fait qu'attiser la plus grave crise humanitaire au monde", a ajouté cette organisation humanitaire.

"La certification de Pompeo est une mascarade", a aussi protesté sur Twitter l'élu démocrate à la Chambre des représentants Ro Khanna. "Les Saoudiens ont délibérément bombardé un bus rempli d'enfants. Il n'y a qu'une réponse morale à cela, et c'est de cesser notre soutien à leur intervention au Yémen."