OPINION

La 'Situation-Palestine' devant la CPI : réflexions et vues d’Israël

La 'Situation Palestine' place la Cour pénale internationale (CPI) au centre des tensions géopolitiques et soulève, une fois encore, les thématiques du rôle d'une cour internationale et pénale dans la gouvernance globale, du paradigme du droit sur le pouvoir sur la scène internationale et de la relation paix et justice. Yaël Vias Gvirsman, qui a soumis le 16 mars un amicus curiae à la CPI, livre ses réflexions personnelles et explique pourquoi elle plaide, au nom de la justice internationale et des valeurs universelles, contre l'exercice de sa compétence en Palestine.

La 'Situation-Palestine' devant la CPI : réflexions et vues d’Israël
Peinture de l'artiste Banksy, en 2015 à Gaza. Le divorce entre Israël et la Cour pénale internationale est consommé à Rome en 1998, lorsque Tel Aviv refuse de signer et de ratifier le Statut, suite à sa reconnaissance du transfert de population civile en tant que crime de guerre. © Mohammed Abed / AFP
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Personnellement, le sujet de l'Israël et de la Palestine, les relations entre les deux entités et leurs peuples, ainsi que le rôle d'acteurs tiers (internationaux ou pas), notamment la Cour pénale internationale (CPI), me préoccupent depuis de longues années. Ladite 'Situation Palestine' devant la CPI me parait mettre en perspective des rencontres et des dialogues que j'ai pu avoir il y a plus de vingt ans. Sur le plan professionnel, je dévoue mon énergie depuis une quinzaine d'années à la justice internationale pénale, aussi bien dans l'enseignement et la recherche que dans la pratique ou j'ai pu intervenir du côté du procureur général d’Israël, de la défense et plus récemment, de la représentation de victimes de crimes internationaux. Ensuite, cette 'situation' me rencontre également sur le plan personnel. Je suis Israélienne d'héritage, de naissance, de vécu et de choix puisque j'y suis revenue après plus d'une décennie passée en France et aux Pays-Bas. Je ne suis pas uniquement Israélienne. L'identité de chacun de nous est composée de plusieurs éléments. Certains ont plus de composants apparents que d'autres, cependant, aucun de nous ne se définit que par une dénomination, une expérience, un passé ni un unique aspect du présent.

C'est pourquoi la thématique philosophique (de Thomas d'Aquin à René Descartes) des contours qui distinguent l'objet et le sujet et de la possibilité d'observer la question de manière objective, m'est plus pertinente que jamais. Je me demande si un point de vue extérieur est toujours plus objectif ? Plus impartial ? L'acteur extérieur a certes l'avantage du regard éloigné, non-émotif, soi-disant rationnel. Tandis qu’un point de vue de l'intérieur a l'avantage de la connaissance des acteurs, sur la durée ; de la connaissance des nuances et des subtilités. Ce dilemme m'a fait longtemps opter pour le silence public – préférant accomplir ma tâche : créer un forum de dialogue, un lieu sain et sauf où les opinions et le droit peuvent se développer paisiblement, sous la forme, notamment, de la Clinique du droit international pénal et humanitaire.

Sur le sujet des relations israélo-palestiniennes, j'ai souvent été heurtée par les limites de l'objectivité du regard extérieur. Cette limite ne tient pas seulement au manque de connaissance - bien au contraire, cette scène invite des chercheurs et des praticiens sérieux, ayant une connaissance impressionnante des faits et des évènements - souvent meilleure même que celle d'une large partie de la population locale. Les limites auxquelles je fais allusion sont plutôt liées à l'incapacité dont j'ai été témoin, des acteurs extérieurs d'être ou de rester réellement extérieurs, tiers à cette situation précise. Plus que dans aucun autre conflit, l'empathie des intervenants tiers devient alors symbiose. Pour dessiner les grands traits de ma pensée, je dirais que l'empathie tient à voir l'autre, le comprendre dans sa peine et à lui tendre la main afin de le 'sortir de la boue'. La symbiose elle, consiste à entrer dans la boue avec l'autre et à perdre toute capacité à l'aider et à être utile. Dans ces circonstances, l'on peut se demander quels avantages maintiendraient l'observateur extérieur sur l'acteur (passif ou actif) intérieur ? Au fil du temps, en voyant tellement d'acteurs extérieurs (et intérieurs) s'exprimer, j'ai décidé de m'exprimer - non sans hésitations.

La compétence de la CPI : une question juridique et politique

Qu'en est-il de la 'Situation-Palestine' devant la CPI ? L'étape suivante est attendue pour le 30 avril, quand le Bureau du procureur communiquera sa réponse consolidée à 43 amicus curiae, y compris ceux de 8 États et à une dizaine de représentants de victimes – dont 9 de victimes palestiniennes et 1 de victimes israéliennes. Ces communications faisaient suite à la déclaration du 20 décembre de Mme la procureure Fatou Bensouda dans laquelle elle informe de sa décision d'ouvrir une enquête suite aux demandes de l'Autorité palestinienne, et demande à la chambre préliminaire de valider son constat de principe - la compétence existe -, ainsi que l'étendue de sa compétence territoriale à la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem Est.

Encore faudrait-il que la compétence de la Cour existe sur la base des deux déclarations de l'Autorité palestinienne, faites successivement, les 1er et 2 janvier 2015. La première reconnaissait la compétence de la CPI de manière rétroactive et ad hoc au 3 juin 2014, soit un jour après la prise d'otage et l’exécution, à bout portant, de trois jeunes israéliens par une milice palestinienne. La seconde déclarait l'adhésion de la Palestine au Statut de Rome, auprès du Secrétaire général de l'Onu.

La question juridique centrale tient au fait que selon le Statut de Rome, seuls les États peuvent reconnaitre la compétence de la CPI sur leur territoire et leurs nationaux (sauf cas de reconnaissance constitutive par le Conseil de sécurité, selon l'article 13 du Statut). Rappelons que les requêtes palestiniennes de 2015 ont été précédées d'une première requête du 21 janvier 2009, laquelle a été rejetée par l'ancien procureur Luis Moreno Ocampo, après plus de trois ans de débats juridiques (et politiques) sur la question de cette condition d'État (pour en savoir plus sur le débat et l'historique voyez ici). Il soulignait la difficulté de trancher sur la condition d'État et indiquait que tant que l'Onu n’avait pas tranché sur son statut de ‘pays observateur’, il ne pouvait le faire.

Toujours est-il qu'aujourd'hui, la CPI doit trancher la question de la compétence et décider si à ce stade de la procédure, la demande palestinienne satisfait les conditions du Statut de Rome. Il faut bien souligner que la Cour tranchera pour la première fois de manière juridique sur cette question de compétence. Cela étant, la question pourrait être soulevée à des stades ultérieurs de la procédure.

Ainsi, une question juridique est aussi politique et se trouve au centre des aspirations nationales de l'entité palestinienne - l'un des objectifs clés des accords d'Oslo négociés dans les années 1990.

Autant le dire, la Palestine n’est pas un État

Le fait est que la procureure ne dit pas que la Palestine est un État, dans sa requête du 22 janvier 2020, mais que « la question de l’État de Palestine au regard du droit international ne semble pas avoir été définitivement résolue ». La procureure invite ainsi la Cour à ne pas résoudre la question d'État en droit international mais plutôt à se référer au débat juridique mené lors de l'adhésion de la Palestine au Statut de Rome, puis de suivre la lettre du Statut. Or il n'y a eu aucun débat juridique, lors de l'adhésion, sur son statut d’État. L'Assemblée des États Parties l’a acceptée, précisément, sans préjudice du débat juridique.

Dans l'alternative, la procureure invite la Cour à dire que « pour les seuls besoins du Statut » la Palestine est un État selon les principes et les règles du droit international. Cette interprétation large (ou approche fonctionnelle), contraire au principe de la légalité obligeant une interprétation stricte, est-elle une manière élégante de trouver un entre-deux entre ceux qui disent que la Palestine n'est pas un État et ceux qui disent que la Palestine est un État depuis 1988, et même depuis 1923 ?

Il n'y a ni élégance ni entre-deux dans la proposition d'interprétation de la procureure de la CPI. Parfois, il faut dire les choses telles qu'elles sont. Surtout dans un forum juridique et non diplomatique. La Palestine n'est pas un État dans tous les sens du terme affirme donc en substance la procureure dans sa requête. Autant le dire, la Palestine n'est pas un État. Ce sera sûrement la réalité de demain. Ce n'est pas la réalité d'aujourd'hui.

Pourtant, surtout dans une situation aussi chargée, le droit est un atout. Il propose un langage commun de règles et de mécanismes que tant bien que mal tout le monde accepte. La loi offre une sérénité entre des parties qui, en son absence, sont livrées à la diplomatie ou à la force. En respectant son caractère juridique, la CPI prend toute sa force - y compris celle de reconnaître la validité de mécanismes alternatifs de résolution des injustices au centre du conflit. Elle ne peut transiger sur ses propres règles. C'est ainsi que je vois le rôle du droit dans le conflit israélo-palestinien.

La CPI ne doit pas devenir une 'juridiction d'exception'. Elle doit rester loyale à son statut et à son mandat : délivrer la justice sur la base des principes du procès équitable et non pas à tout prix.

Des amicus curiae prévisibles et moins prévisibles

Nous noterons que les amicus curiae communiqués à la CPI par des auteurs de nationalité palestinienne (et leurs co-auteurs) soutiennent la position de la procureure. Ceux d’auteurs de nationalité israélienne, pour la plupart, s'y opposent. Les tiers, ni Israéliens ni Palestiniens, qui plaident au nom de la justice, sont soit pour la juridiction, soit contre. Enfin, les États plaident pour la plupart contre la compétence de la CPI.

Mais je voudrais attirer l'attention sur quelques acteurs moins prévisibles. Je pense au professeur israélien Eyal Benvenisti auteur de 'The International Law of Occupation' et analyste souvent critique de la politique du gouvernement israélien - est-il suspect de parti-pris quand il prend position contre celle du Bureau du procureur ? ; ou aux Américains Stephen Rapp (amicus co-écrit avec Todd F. Buchwald) et David Crane, qui plaident contre la compétence de la CPI alors que dans la situation Afghanistan ils plaidaient pour ; ou à Robert Badinter, champion des droits de l'homme, à qui la France doit notamment l'abolition de la peine de mort, qui se positionne contre. Sont-ils suspects de non-objectivité ?

Dans mon amicus curiae, j'ai proposé à la Cour qu'au lieu de se focaliser sur la nature de l'entité palestinienne, elle devrait revenir sur ses propres lois et règles et se centrer sur la nature de sa compétence. Ce serait d’autant plus pertinent que la procureure semble avoir écarté la position (extrême) de reconnaitre la Palestine en tant qu’État, et de ce fait l'incidence malheureuse de créer un précédent dans l'histoire où une Cour pénale établirait un État.

La procureure l’affirme, une enquête ne devrait s'ouvrir que sur des bases fermes de compétence. Elle affirme aussi et bien justement, que la compétence est une notion fondamentale de la CPI. D'ailleurs, les questions de compétence sont parmi les trois questions pour lesquelles un appel est prévu de droit au Statut de Rome. La compétence est suivie de conditions strictes définies par le Statut.

Je fais appel au principe de la légalité, principe fondamental de la procédure pénale « sans lequel on ne peut parler de justice » ainsi que l'affirme, notamment, le professeur Georges Levasseur en 1964. Le principe de la légalité est souvent présenté comme étant limité à l'obligation de définir le crime (nullem crimen) et la peine (nulla peona) par une loi (sine lege). Pourtant, le principe de la légalité est fait tout d'abord du principe de la légalité procédurale. L'importance de la légalité procédurale tient à ce qu'elle permet de distinguer la justice de l'arbitraire.

Dans cette situation exceptionnelle de la Palestine, la CPI ne doit pas devenir une 'juridiction d'exception'. Elle doit rester loyale à son statut et à son mandat : délivrer la justice sur la base des principes du procès équitable et non pas à tout prix. Sinon, la CPI risque de se compromettre. Si la CPI était faite uniquement de l'objectif de combattre les crimes internationaux, la CPI aurait été une Cour de compétence universelle. Elle ne l'est pas, puisque le Statut établit des règles strictes pour l'exercice de sa compétence. Or, cette Cour est unique. Elle est le résultat d'efforts historiques innombrables. Ces efforts doivent être respectés dans cette situation, ainsi que dans toute autre situation. La crédibilité de la Cour protège les intérêts des victimes.

Afin de ne pas faire de la CPI un acteur politique (supplémentaire), il faut éviter que sa compétence ne devienne punition ou prix. La compétence de la Cour est une question juridique. Sa définition ne laisse pas aux organes de la Cour la discrétion de l'élargir. Les notions de paix, de sécurité et d’autres notions de 'justice' au sens large ont bien été prises en compte par les auteurs du Statut de Rome - mais uniquement pour restreindre sa compétence et non pour l'élargir (voir les Articles 16 et 53(1)(c) du Statut).

Si l'on retrace l'histoire des rapports de l'État d'Israël et du peuple juif avec la notion de justice internationale, le tableau ressemble plutôt à une tragédie grecque.

Israël et la CPI, un lien naturel rompu

Comment ce débat est-il perçu en Israël ? Le contexte actuel tout d’abord est celui d'une crise constitutionnelle, entre le pouvoir exécutif, avec un Premier ministre visé par plusieurs actes d'accusation et un Parlement qui jusqu’à dernièrement n'a pas pu s'assembler, officiellement pour cause de Covid-19 ; l’Israël est un pays sans gouvernement autre que transitoire depuis les élections d'avril 2019.  Dans ce contexte, les effets de la déclaration de la procureure de la CPI se sont quelque peu estompés dans le débat public.

Cette tribune ne peut prétendre représenter 'la société israélienne'. Nous sommes au Levant. Les opinions sont incomptables, les discours et les interactions nombreux. Il est très difficile de dessiner même des lignes directrices. Cependant, certains constats peuvent être proposés.

Si l'on retrace l'histoire des rapports de l'État d'Israël et du peuple juif avec la notion de justice internationale, le tableau ressemble plutôt à une tragédie grecque. L'absurde et le cynisme sont à leurs combles. Le juge Eli Nathan, à la tête de la délégation israélienne à Rome en 1998, déclarait à la clôture des négociations sur le statut de la CPI :

« C'est avec un certain regret, à la fois personnellement en tant que victime de la persécution nazie du peuple juif et au nom de la délégation israélienne que je dirige fièrement, que je dois expliquer le vote négatif qu'Israël a été involontairement obligé d'émettre aujourd'hui à l'égard du statut de la Cour pénale internationale. Ce n'est un secret pour personne que des braises de l'Holocauste contre le peuple juif - le crime le plus grand et le plus odieux qui ait été commis dans l'histoire de l'humanité - sont sortis les appels des juifs du monde entier et des principaux avocats et hommes d'État israéliens, dès le début des années 1950, en faveur de la création d'une Cour pénale internationale, en tant que moyen essentiel de garantir que les criminels qui commettent des crimes aussi odieux et terribles seront dûment traduits en justice. C'était, … entre autres, notre idée ! »

Israël a finalement refusé de signer et de ratifier le Statut de Rome, suite à sa reconnaissance du transfert de population civile en tant que crime de guerre. Une insertion au Statut perçue par le gouvernement israélien comme politique et faisant suite à une proposition des pays Arabes participant aux négociations de Rome.

Pour le citoyen israélien lambda il n'y a pas grande différence entre la CPI, l'Onu, les commissions d'enquêtes de la Commission des droits de l'homme, ou l'avis de la Cour internationale de justice sur le ‘mur de séparation’.

Le lien naturel et historique de l'État d'Israël avec la CPI aurait dû être celui de la fraternité. La réalité est que la CPI est considérée comme suspecte, après au moins trois décennies de déception du système (politique) onusien, et avec une majorité automatiquement anti-israélienne à l'Assemblée générale de l’Onu. Pour le citoyen israélien lambda il n'y a pas grande différence entre la CPI, l'Onu, les commissions d'enquêtes de la Commission des droits de l'homme, ou l'avis de la Cour internationale de justice sur le ‘mur de séparation’, barrière de protection pour les Israéliens contre des explosions quotidiennes, arbitraires, meurtrières et traumatisantes.

Un dernier élément de contexte : le 30 avril, jour attendu pour la réponse du Bureau du procureur de la CPI, viendra un jour après la fête de l’Indépendance d'Israël. Ceci, après les longues semaines très émotives de la Pâque juive, qui marque la sortie de l'esclavage d’Égypte vers la Terre Promise. Une semaine plus tard, ce sera la journée de commémoration de l'Holocauste. Et une semaine après, ce sera le jour de commémoration des victimes des guerres d'Israël.

Dès lors, la place de la CPI auprès de la population israélienne dépendra de sa capacité à mener un dialogue, à établir sa crédibilité comme acteur juridique, à créer une rencontre et une entente sur des valeurs communes - et non à dessiner, aux antipodes, une CPI menaçant son indépendance, la légitimité de l'État d'Israël et sa place parmi les Nations.

Je prie pour un monde sans crainte, sans guerre, sans occupation, où chacun 'sera assis sous son figuier et sous sa vigne' et où chacun aura sa place.

Les victimes israéliennes viendront-elles à la CPI ?

Qui sont ces victimes israéliennes ? Si la compétence de la CPI est établie, les victimes israéliennes franchiront-elles la porte de ce mécanisme ? La réponse est entre les mains des victimes. Je dirais juste que, historiquement, le narratif collectif en Israël a mis de côté l’identification à la victime, pour la remplacer par celle du survivant. Nous avons survécu aux pogromes, à la Shoah, à la persécution dans des pays Arabes et Occidentaux, à l'Exode… Pour les Israéliens, se représenter publiquement en tant que victime revient à franchir une barrière identitaire, aussi bien individuelle que collective.

Je dédie le mot de fin à la victime invisible. Les chiffres, les statistiques des morts et blessés sont beaucoup plus hauts du côté palestinien. Je reconnais l'existence et les droits des victimes palestiniennes quelles qu'elles soient, elles ont le droit à la vérité, à la justice, à la réparation, et à la non-répétition.

Mais la victime invisible ne se retrouvera pas dans les statistiques. Celle qui comme chacun de nous sait, par expérience, que le ‘normal’ n'existe pas. Que cette illusion de normalité, s'asseoir sur une terrasse, marcher dans la rue, prendre le bus, faire ses courses au supermarché, être coincé dans un bouchon – la normalité pré-Covid19 - n'a jamais été. Chaque fête peut devenir explosion et chacun peut devenir cible - délibérément, indistinctement, arbitrairement, sans lien avec ses pensées, ses rêves, ses aspirations, ses talents, ses torts et défauts, ses actions, son indifférence. Comment compter ces victimes-là ? Celles qui montent dans un bus et cherchent la goutte de sueur de trop d'un des passagers pour décider de descendre du bus, bien avant son arrêt ? Ces actes, qu’ils soient définis comme crime contre l'humanité ou terrorisme troublent la conscience de tous et violent la liberté de vivre sans crainte.

La CPI devra trancher. Les juges n'ont pas le privilège de ne pas trancher. En tranchant sur l'existence, la non-existence ou bien l'existence ‘pour les besoins du Statut de Rome’ de la Palestine en tant qu'État, la Cour tranchera aussi sur son identité propre.

Je prie pour un monde sans crainte, sans guerre, sans occupation, où chacun 'sera assis sous son figuier et sous sa vigne' et où chacun aura sa place sous le Ciel ; mais en attendant cette prophétie, je me contente d'un monde où chacun a la liberté d'être celui qu'il peut dans sa réalité, avec des règles qui sont censées nous unir tous, des valeurs universelles, un langage commun, que peuvent offrir le droit international et la CPI.

Yaël Vias GvirsmanYAËL VIAS GVIRSMAN

Yaël Vias Gvirsman est la directrice fondatrice de la Clinique du droit international pénal et humanitaire de la faculté de droit Harry Radzyner, Centre interdisciplinaire (IDC), Herzliya (au nord de Tel Aviv, la capitale d’Israël). Elle est chercheuse et avocate spécialisée en droit pénal international. Yaël a récemment rejoint le cabinet MMLaw-LLC.

Les opinions qu’elle exprime ici sont personnelles et professionnelles et ne représentent pas l'opinion ou la position de MMLaw-LLC ou de toute autre entité avec laquelle l'auteure est associée.