Monténégro: l'inusable Djukanovic candidat à la présidence

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Le pro-occidental Milo Djukanovic, homme fort du Monténégro pendant un quart de siècle jusqu'à son retrait en 2016, a annoncé lundi sa candidature à la présidentielle du 15 avril.

Artisan de l'adhésion à l'Otan malgré l'opposition parfois violente d'une partie de ses compatriotes, il devrait en cas de victoire s'employer à négocier l'adhésion à l'Union européenne de ce pays majoritairement slave orthodoxe, candidat depuis 2010.

Depuis que cet économiste a pour la première fois pris les commandes du Monténégro en 1991, c'est son troisième retour après une annonce de retrait.

Milo Djukanovic, 56 ans, avait quitté ses fonctions de Premier ministre en octobre 2016, après des législatives remportées moins largement que d'ordinaire par son parti des démocrates socialistes (DPS).

Le scrutin avait surtout été marqué par des accusations de coup d'État, imputé par les autorités à des militants prorusses qui auraient eu pour objectif de faire pièce au projet d'adhésion à l'Otan.

Mais Milo Djukanovic restait aux yeux d'une grande partie des 620.000 Monténégrins le véritable "patron", toujours très influent dans l'ombre de son successeur, Dusko Markovic, un de ses proches, ancien chef des services secrets.

Il apparaît comme favori de la présidentielle même si les études d'opinion créditent d'un tiers des voix environ son adversaire a priori le plus dangereux, l'homme d'affaires Mladen Bojanic, 56 ans, notamment soutenu par la principale formation prorusse, le Front démocratique.

Cette candidature "est l'expression de ma responsabilité à l'égard de l'héritage et des besoins du développement futur du Monténégro", a déclaré Milo Djukanovic, qui a dit espérer l'emporter au premier tour.

Cet économiste de formation, fils d'une infirmière et d'un juge, n'a pas toujours eu cette image de pro-Occidental.

Alors ambitieux apparatchik communiste de 29 ans, il a été installé au pouvoir en février 1991 par Slobodan Milosevic, l'homme fort de la Serbie.

Le Monténégro était alors une des Républiques formant la Yougoslavie, qui devait entamer sa désintégration sanglante quelques mois plus tard avec les déclarations d'indépendance slovène et croate.

Milo Djukanovic se range immédiatement du côté de Belgrade et de Milosevic. Des troupes monténégrines participent au siège de Dubrovnik en 1991, ce qui vaudra à plusieurs de leurs officiers supérieurs des poursuites devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

- Mitterrand, Major et Kohl -

Signes de la longévité de Milo Djukanovic, la France était alors présidée par François Mitterrand ; le Britannique John Major et l'Allemand Helmut Kohl étaient au pouvoir pour encore six et sept ans ; l'Union soviétique existait toujours...

Pur produit de l'appareil communiste titiste, Milo Djukanovic donne une première preuve de son extraordinaire flair politique en lâchant à point nommé, dès 1996, son protecteur Milosevic. Très vite, il s'affiche sans ambiguïté comme pro-occidental.

Il prône l'indépendance, qu'il obtiendra en 2006, lors d'un référendum remporté de justesse. Il devient un allié jugé particulièrement fiable par les Occidentaux. Avec l'adhésion monténégrine en juin 2017, l'Otan contrôle l'ensemble des côtes adriatiques.

Faisant fi de la colère russe, il se joint sans état d'âme à l'UE dans l'imposition de sanctions à la Russie au moment de la crise ukrainienne.

L'Europe et les États-Unis lui renvoient ce soutien, malgré des accusations de clientélisme, de népotisme, de corruption ou encore de lien avec le crime organisé. Autant d'allégations que l'intéressé nie, dénonçant des "bêtises notoires".

Pour ses partisans, il est un réformateur dynamique. Pour ses détracteurs, il est un dirigeant autoritaire, six fois premier ministre et déjà une fois président.

Amateur de basket et de pêche, Milo Djukanovic est le père de trois enfants.

Le président du Monténégro est élu pour cinq ans. L'actuel chef de l'Etat est Filip Vujanovic, un autre fidèle de Milo Djukanovic.