TPIY: Florence Hartmann libérée, après de la prison avec des criminels de guerre

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Elle a longtemps représenté la traque des hommes suspectés des pires crimes commis dans les Balkans: après avoir passé plusieurs jours dans la même prison que les criminels de guerre qu'elle a dénoncés, la Française Florence Hartmann a été libérée mardi dans l'après-midi.

"Je suis sortie", a affirmé à l'AFP cette ancienne porte-parole du procureur du TPIY, ajoutant : "je suis complètement sonnée, et épuisée, mais absolument soulagée d'être sortie".

Elle s'est dite "combative". Le TPIY lui a accordé une libération anticipée pour "son comportement exemplaire" lors de ces quelques jours de détention dans la prison de l'ONU à Scheveningen, banlieue balnéaire de La Haye.

Porte-parole de l'ancienne procureure du TPIY Carla Del Ponte, de 2000 à 2006, Florence Hartmann, 53 ans, avait été arrêtée jeudi alors qu'elle était venue assister au jugement de l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, condamné à 40 ans de détention pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie, un verdict historique rendu plus de 20 ans après les faits.

Florence Hartmann avait été condamnée en 2011 pour outrage par la Cour à 7.000 euros d'amende, convertis ensuite en sept jours de détention, après avoir divulgué dans un livre deux décisions confidentielles du TPIY qui auraient permis, selon elle, de prouver l'implication de l'Etat serbe dans le génocide de Srebrenica, qui a coûté la vie à près de 8.000 hommes et garçons bosniaques en 1995. La France avait alors refusé de l'arrêter et de la transférer.

Ironie du sort, elle a été placée jeudi en détention dans la même prison de l'ONU que Radovan Karadzic et l'ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic.

"Elle est complètement choquée par la situation", avait expliqué dans la matinée à l'AFP son avocat, Guénaël Mettraux, soulignant que Mme Hartmann n'avait néanmoins "pas eu de contact direct" avec les accusés du TPIY.

- "Intimidation" -

Pour son comité de soutien, il s'agissait de "perversion pure et simple" qu'elle "se retrouve internée dans la même unité de détention que les criminels de guerre qu'elle a sans relâche combattus par ses actes de bravoure, son engagement indéfectible et ses écrits".

Selon Me Mettraux, l'ancienne correspondante du journal français Le Monde a été détenue en isolement et sous une surveillance accrue.

Le TPIY a lui assuré que Florence Hartmann était "juste placée à l'écart" du reste des détenus car elle était la seule femme dans ce centre de détention de l'ONU.

Elle avait été arrêtée jeudi sur la pelouse devant les bâtiments du Tribunal. La foule, venue assister au jugement de Karadzic, avait essayé d'empêcher les gardes onusiens d'emmener Mme Hartmann. En pleurs, celle-ci avait vivement protesté, criant que l'arrestation était "contraire aux droits de l'Homme".

Plus de 4.600 personnes ont signé la pétition lancée par son comité de soutien, qui évoque une arrestation d'une "rare violence".

La Fédération européenne des journalistes, avait elle aussi, exigé la libération de Mme Hartmann, estimant que la peine de prison était "disproportionnée". Le rôle du TPIY est de "poursuivre les criminels de guerre, pas d'intimider les lanceurs d'alerte qui agissent dans l'intérêt de la société civile", a assuré son secrétaire général, Ricardo Gutiérrez.

En venant à La Haye, Florence Hartmann "était consciente qu'il y avait un risque" mais désirait apporter son soutien aux associations de victimes, assure M. Mattreux, soulignant que les gardes du TPIY "n'avaient aucun mandat pour arrêter quelqu'un sur le territoire néerlandais".

Ce qu'elle dénonçait dans son livre "Paix et Châtiment" de 2007 avec la publication de deux décisions confidentielles, "c'est que les juges n'avaient pas le droit d'ordonner la confidentialité de telles informations, d'intérêt public et judiciaire", affirme son avocat.

Guénaël Mettraux envisage par ailleurs de porter plainte aux Pays-Bas, la police néerlandaise ayant participé à l'arrestation, et devant les Nations unies. "On va tout faire" pour que le tribunal rende des comptes, a-t-il ajouté.