La CIJ, arbitre judiciaire de l'ONU, souffle ses 70 bougies

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De la course à l'armement nucléaire à la chasse à la baleine dans l'Antarctique, en passant par des dizaines de conflits frontaliers, la Cour internationale de Justice (CIJ) décide depuis 70 ans du destin de nombreuses nations à travers le monde.

Mais les juges, installés dans le flamboyant Palais de la Paix au coeur de La Haye, restent impuissants dans les conflits les plus pressants du 21e siècle, assurent les analystes: la CIJ ne peut en effet se prononcer uniquement sur des conflits où les deux parties, toujours des Etats, ont accepté sa compétence.

Fondée en 1946 sur les cendres de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), la CIJ, avec ses quinze juges élus pour des mandats de neuf ans, est considérée comme la détentrice du dernier mot dans les conflits entre Etats et comme un arbitre impartial quand des querelles éclatent entre voisins.

"La CIJ a aidé à résoudre des conflits internationaux impliquant des questions territoriales, des relations diplomatiques, des prises d'otages et des droits économiques", a assuré à l'AFP Aaron Matta, chercheur au sein de l'Institut de La Haye pour une justice mondiale.

La Cour a été, dans une moindre mesure, "un instrument de défense des droits de l'homme mais aussi un instrument pour établir la jurisprudence nécessaire afin de répondre à des questions essentielles, comme les menaces sur l'environnement", a-t-il ajouté.

Ces absences de juridiction font les affaires de la CIJ, "mieux adaptée pour juger des conflits moins importants, plus modestes", a affirmé Cecily Rose, professeur assistant en droit de l'université de Leyde. "Et c'est ce genre d'affaires qui sont le plus souvent présentées aux juges".

Contrairement à sa plus jeune cousine, la Cour pénale internationale, la CIJ ne s'adresse qu'aux Etats et non à la responsabilité pénale des individus.

- Expert ès tensions bilatérales -

Quand les juges se sont plongés dans leur premier dossier, en 1947, les horreurs et les dévastations de la Seconde Guerre mondiale étaient encore fraîches dans les esprits.

Le Royaume-Uni accusait l'Albanie: deux navires britanniques avaient coulé, tuant 45 marins, à cause de bombes placées par Tirana dans le détroit de Corfou. Les juges avaient alors tenu l'Albanie responsable des explosions mais avaient également décidé que Londres avait violé la souveraineté albanaise quand les navires britanniques avaient commencé leur opération de déminage.

Sur les près de 200 décisions rendues par les juges, une majorité ont été provoquées par des tensions bilatérales, qui ont ensuite pris fin. L'une des victoires de la Cour "est le nombre de conflits qui ont été évités", assure son vice-président, le juge somalien Abdulqawi Ahmed Yusuf.

"Je pense que c'est quelque chose dont la Cour peut être fière", a ajouté le président Ronny Abraham, un Français, lors d'une très rare rencontre avec la presse.

Les deux hommes ont notamment cité l'exemple d'un temple à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande. Les juges avaient décidé que le temple appartenait au premier et Bangkok avait retiré ses soldats.

La CIJ, qui organise une audience spéciale pour l'occasion mercredi en présence du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, joue également un rôle important en entendant des affaires liées à la course à l'armement nucléaire, initiées par les Iles Marshall contre l'Inde, le Pakistan et la Grande-Bretagne.

Dans ce qui est perçu comme une victoire symbolique pour des ONG, la CIJ a décidé en 2014 que la chasse à la baleine annuelle du Japon était de fait une activité commerciale, et non de la recherche scientifique, comme l'assurait Tokyo.

Le mois dernier, les militants ont néanmoins accusé le gouvernement japonais de "réponse vide" après la reprise de la chasse et la mort de 333 baleines.

Sans la CIJ, "il y aurait certainement plus de conflits sur le long terme entre les Etats", assure Mme Rose. Pour Olivier Ribbelink, chercheur à l'Institut Asser de La Haye, "les Etats respectent les décisions de la Cour car ils ont confiance en l'impartialité de la CIJ et de ses jugements établis avec soins".