Argentine: verdict dans le procès des tortures à l'usine Ford

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Des dirigeants de l'usine Ford-Argentine ont-ils collaboré avec la dictature en 1976 et sont-ils complices des tortures infligées à des ouvriers et de multiples détentions ? La justice argentine tranche mardi.

Hector Sibilla, ancien chef de la sécurité de Ford, et Pedro Muller, ancien directeur de l'usine, sont dans le box des accusés. Le troisième accusé est l'ancien général Santiago Riveros, qui dirigeait le centre de détention et de torture Campo de Mayo, déjà condamné pour crimes contre l'humanité.

L'accusation a requis 25 ans de prison pour les trois accusés, suivant les réquisitions de la partie civile.

"Nous espérons un verdict responsable, pour que la complicité de l'entreprise avec la dictature soit mise en évidence. C'est important pour l'histoire de l'Argentine", a déclaré à l'AFP Tomas Ojea, avocat des victimes.

Des dizaines de témoins se sont succédé à la barre du tribunal de San Martin, mais les accusés ont refusé de s'exprimer à la barre.

Les avocats de la défense ont aussi refusé de répondre aux questions de l'AFP.

- Pour l'exemple -

C'est la première fois que des dirigeants d'une multinationale sont jugés pour des faits liés à la dictature militaire (1976-1983) en Argentine.

En 1976, l'usine Ford de General Pacheco, une banlieue de Buenos Aires, employait 5.000 ouvriers et 2.500 employés administratifs. Sur les 100 délégués syndicaux, 24 ont été arrêtés, dénoncés par la direction de l'entreprise, en représailles pour leur activité syndicale, selon l'accusation.

Certains ont été torturés dans l'usine, avant d'être conduits dans des centres de détention, témoignent les victimes.

Les faits sont survenus peu après le coup d'Etat militaire de mars 1976. Certains détenus ont été emprisonnés pendant deux ans.

Alors que la répression pendant la dictature a fait 30.000 morts et disparus, les salariés de Ford emprisonnés ont survécu.

Le procès pénal qui s'achève mardi se limite à déterminer la responsabilité des trois accusés mais ne juge pas directement l'entreprise américaine, toujours présente en Argentine.

Les victimes auraient pu poursuivre Ford, mais au civil, où les faits survenus voici 42 ans auraient été prescrits. "Nous estimons qu'un procès au civil, ne serait pas allé aussi loin", juge Me Ojea.

En Amérique latine, des dictatures militaires ont existé dans la plupart des pays, plus ou moins violentes, mais c'est en Argentine que la justice est allée le plus loin en condamnant et en emprisonnant des centaines de militaires ou responsables de la répression.

Ancien chef de la junte militaire, le général Jorge Videla est décédé en prison, où il purgeait une peine à perpétuité pour crimes contre l'humanité.

"Sans la participation des civils, et de ces entreprises, ce coup d'Etat n'aurait pas réussi. Ces gens ont collaboré, les entreprises ont fourni des véhicules, des aliments, de l'essence", accuse Pedro Troiani, une des victimes dont la plainte est à l'origine du procès.

"Ils ont collaboré. Les Ford Falcon utilisées durant la répression, je les ai peintes", dit Carlos Propato en référence à ces berlines au coffre volumineux, de sinistre réputation, très prisées des militaires car elles permettaient de transporter des personnes enlevées ou des cadavres.

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