Refus jordanien d'arrêter Béchir: la CPI ne renvoie pas l'affaire devant le Conseil de sécurité

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La Cour pénale internationale a jugé lundi que la Jordanie avait manqué à ses obligations en n'arrêtant pas en 2017 l'ex-président soudanais Omar el-Béchir, mais a décidé de ne pas renvoyer l'affaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

La CPI a également décidé de ne pas porter l'affaire devant l'Assemblée des Etats parties (AEP) au statut de Rome --traité fondateur de la cour. Elle a cependant confirmé son jugement de décembre 2017 selon lequel la Jordanie a "manqué à ses obligations", rejetant ainsi l'appel formulé par ce pays.

Malgré les demandes de défenseurs des droits de l'homme qui réclamaient son arrestation, Omar el-Béchir avait assisté librement à un sommet de la Ligue arabe à Amman fin mars 2017.

Il faisait pourtant l'objet de deux mandats d'arrêt internationaux émis en 2009 et 2010 par la CPI, saisie en 2005 par le Conseil de sécurité de l'ONU, pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans le cadre des violences au Darfour.

Le conflit ayant éclaté en 2003 dans cette région de l'ouest du Soudan a coûté la vie à au moins 300.000 personnes et a fait quelque 2,5 millions de déplacés, selon les chiffres des Nations unies.

En ne procédant pas à l'arrestation de M. Béchir sur son sol, "la Jordanie a empêché la cour d'exercer un pouvoir important et une fonction fondamentale", a déclaré le juge Chile Eboe-Osuji.

- Pas d'immunité -

La Jordanie est un Etat partie à la CPI, fondée en 2002 et qui dépend des Etats pour l'exécution des mandats d'arrêt internationaux qu'elle émet.

Amman avait fait appel l'an dernier de la décision de la CPI, une première pour ce tribunal. Etant un chef d'Etat en exercice lors de sa visite, M. Béchir bénéficiait, d'après ses avocats, d'une immunité en vertu des pratiques internationales.

Mais le juge Eboe-Osuji a souligné lundi que l'immunité dont bénéficient les chefs d'Etat n'empêche pas la CPI d'exercer sa compétence selon les termes du statut de Rome. Il a toutefois estimé que la cour n'aurait pas dû décider de renvoyer l'affaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU et l'AEP, annulant cette décision antérieure.

Dans un communiqué, le ministère jordanien des Affaires étrangères s'est félicité du choix des juges, même s'il continue de rejeter l'affirmation selon laquelle le pays a manqué à ses obligations.

Le ministère est en train d'examiner le jugement, a indiqué un porte-parole, soulignant que le royaume hachémite est un "fervent partisan de la CPI depuis sa création".

- "Fugitif" -

M. Béchir, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1989, a été renversé le 11 avril par l'armée après près de quatre mois d'une contestation populaire inédite au Soudan.

Mi-avril, le conseil militaire de transition dans le pays a estimé que la décision de livrer ou non M. Béchir reviendrait à un gouvernement élu.

L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a salué la décision des juges de la CPI.

"La CPI a conclu que les chefs d'Etat faisant l'objet d'accusations en bonne et due forme par la cour n'étaient pas immunisés contre une arrestation", a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe de la justice internationale chez HRW.

"Cette décision contribue à garantir que les victimes d'atrocités de masse aient accès à la justice, même lorsque les plus hauts représentants sont impliqués dans les crimes", a-t-elle estimé, tout en appelant les autorités soudanaises à remettre M. Béchir à la CPI.

"Qu'il soit président ou prisonnier au Soudan, Omar el-Béchir reste un fugitif de la CPI pour les crimes les plus graves commis au Darfour", a martelé Mme Keppler.

Après l'émission de mandats d'arrêt à son encontre, M. Béchir avait continué de voyager sans être inquiété dans certains pays dont la Jordanie et l'Afrique du Sud.

En juillet 2017, la CPI avait jugé que l'Afrique du Sud avait manqué à ses obligations en ne l'arrêtant pas à la mi-juin 2015 lors d'un sommet de l'Union africaine à Johannesburg, mais avait refusé de renvoyer l'affaire devant le Conseil de sécurité ou l'AEP.

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