Ethiopie: des tensions politiques au conflit armé au Tigré

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Le conflit dans la région éthiopienne dissidente du Tigré (nord), où l'armée fédérale a reçu l'ordre jeudi de mener l'offensive finale, a commencé le 4 novembre, quand le Premier ministre éthiopien a lancé une opération militaire contre les autorités de ce fief de l'ancienne élite politique du pays.

La tension couvait depuis des mois entre le pouvoir central du deuxième pays le plus peuplé d'Afrique (100 millions d'habitants) et les autorités régionales du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF).

- Les Tigréens défient le pouvoir fédéral -

Le 9 septembre 2020, le TPLF, qui a contrôlé pendant presque 30 ans l'appareil politique et sécuritaire de l'Ethiopie, remporte un scrutin régional organisé unilatéralement dans son fief du Tigré (nord) et jugé illégal par le pouvoir central.

Le TPLF, qui représente la minorité tigréenne (6% de la population), a été progressivement marginalisé depuis qu'Abiy Ahmed est devenu en 2018 Premier ministre, le premier issu de l'ethnie oromo, la plus importante du pays, et est de facto passé dans l'opposition.

En octobre, en représailles au scrutin au Tigré, le Parlement éthiopien annonce une réduction drastique des fonds fédéraux pour la région, une "déclaration de guerre" selon un haut responsable tigréen.

- Opération militaire, craintes d'escalade -

Le 4 novembre, Abiy Ahmed, lauréat 2019 du prix Nobel de la paix pour avoir réconcilié l'Ethiopie avec l'Erythrée voisine, annonce une opération militaire contre les autorités du Tigré, qu'il accuse d'avoir attaqué deux bases de l'armée fédérale dans la région. Le TPLF dément ces attaques, inventées selon lui pour justifier l'intervention.

Le 6, le Premier ministre qualifie l'intervention d'"opération de maintien de l'ordre" et tente d'apaiser les craintes d'escalade.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres appelle à une "résolution pacifique".

Le lendemain, le Parlement éthiopien révoque les institutions régionales du Tigré.

Le 8, Abiy Ahmed limoge son chef de l'armée.

Le président du Tigré, Debretsion Gebremichael, en appelle à l'Union africaine "pour empêcher l'Ethiopie d'être entraînée dans une spirale menant à la guerre civile".

Le 9, l'aviation éthiopienne mène de nouvelles frappes dans le Tigré. Abiy Ahmed affirme que le conflit sera terminé "sous peu".

Le 10, l'UA réclame la fin des hostilités qui poussent des milliers d'Ethiopiens à fuir vers le Soudan voisin. Son offre de médiation est refusée par Addis Abeba.

- Possibles "crimes de guerre" -

Le 12, M. Abiy déclare que l'armée a "libéré" le Tigré occidental, l'une des six zones administratives que compte la région, en plus de la "capitale" régionale Mekele (est, un demi-million d'habitants).

Selon Amnesty international, de nombreux civils ont été tués lors d'un "massacre", perpétré selon des témoins par des forces loyales au TPLF. Le président du Tigré dément.

Le 13, l'ONU demande une enquête sur de possibles "crimes de guerre".

Dans la nuit, les forces du Tigré tirent des "missiles" sur deux aéroports de la région limitrophe d'Amhara, utilisés selon elles par l'aviation militaire éthiopienne.

- Tirs sur Asmara -

Le 14, le TPLF tire plusieurs "roquettes" près de l'aéroport d'Asmara, capitale de l'Erythrée voisine, accusant ses autorités d'aider militairement l'armée fédérale éthiopienne, notamment en la laissant utiliser son territoire.

- Crise humanitaire -

Le 17, le Premier ministre éthiopien annonce que l'opération militaire entre "dans sa phase finale".

Dans la soirée, Addis Abeba affirme contrôler plusieurs villes de l'Est du Tigré, notamment Mehoni, à 125 km au sud de Mekele, vers laquelle son armée "avance".

L'ONU s'alarme de "la crise humanitaire à grande échelle" en cours à la frontière entre le Soudan et l'Ethiopie, où des milliers de gens fuient chaque jour.

- Ultimatum -

Le 20, les forces du Tigré tirent des roquettes sur la région voisine d'Amhara.

Le 22, M. Abiy donne 72 heures aux dirigeants du Tigré pour déposer les armes, sous peine d'un assaut "impitoyable". Le lendemain, le président du Tigré rejette l'ultimatum.

Le 24, le Conseil de sécurité de l'ONU échoue à s'entendre sur une déclaration commune.

Le 25, M. Abiy demande à la communauté internationale de s'abstenir de toute "interférence dans les affaires internes" de son pays.

- Offensive finale -

Le 26, après expiration de l'ultimatum, M. Abiy ordonne le lancement de l'offensive finale contre les autorités du Tigré, encerclées à Mekele.