L'Assemblée nationale a approuvé à l'unanimité des votes exprimés lundi un texte appelant le gouvernement à reconnaître comme un génocide les "massacres" infligés en 1915-1918 par les autorités ottomanes aux Assyro-Chaldéens, une communauté chrétienne originaire de Mésopotamie.
L'ensemble des députés a voté pour la résolution, à l'exception de ceux de la France insoumise, qui se sont abstenus.
La Turquie a dénoncé dans la foulée "des accusations sans fondement juridique et historique", jugeant la résolution "nulle et non avenue".
"Les parlements n'ont aucune autorité pour interpréter ou porter un jugement sur l'histoire", écrit dans un communiqué le ministère turc des Affaires étrangères, pour qui ce texte "déforme des évènements historiques au nom d'intérêts politiques".
La "proposition de résolution", portée par le président du groupe macroniste Renaissance Sylvain Maillard, répond à une demande récurrente de cette communauté en faveur d'une reconnaissance comme celle du génocide arménien. Cosignée par des députés d'opposition, principalement LR, elle fait écho à un texte similaire, largement adopté en février 2023 par le Sénat.
Si le génocide arménien "est reconnu par de nombreux pays et organisations internationales, considéré comme l'un des quatre génocides officiellement acceptés par l'ONU, et est commémoré chaque 24 avril par la France, le massacre des Assyriens souffre d'un manque de reconnaissance en tant que génocide", pose l'exposé des motifs de la résolution.
Les massacres par l'Empire ottoman de jusqu'à 1,5 million d'Arméniens en 1915-1916 sont reconnus comme génocide par de nombreux historiens et une trentaine de pays, dont la France, mais pas par la Turquie, qui évoque des "massacres des deux côtés".
Or, "entre 1915 et 1918, la population assyrienne du nord de la Mésopotamie (régions du sud?est de l'actuelle Turquie et région du nord?ouest de l'Iran) a été massacrée et déplacée de force par les troupes ottomanes et kurdes", est-il écrit dans le texte qui évoque aussi sa "conversion forcée à l'islam" organisée par "le régime ottoman".
La résolution "invite" donc le gouvernement "à reconnaître officiellement, comme ayant un caractère génocidaire, l'extermination de masse, la déportation et la suppression de l'héritage culturel de plus de 250.000 Assyro?Chaldéens" et à "condamner" ce "génocide".
Le vote de l'Assemblée n'a pas de valeur contraignante pour l'exécutif.
"Au nom du gouvernement", la secrétaire d'Etat Chrysoula Zacharopoulou a émis dans l'hémicycle "une réserve de principe". "Bien que consciente des massacres commis en 1915", elle a estimé que "la reconnaissance de l'existence du génocide est le travail des historiens et de la justice".
Elle avait auparavant souligné que "la réalité historique des massacres dont ont été victimes les Assyro-Chaldéens ne fait pas de doute", avec un nombre de victimes "évalué entre 200.000 et 300. 000", et rendu "hommage" à leurs descendants au nom du gouvernement.
Si la France insoumise a elle aussi dit vouloir reconnaître "les atrocités et les souffrances subies" par ce peuple, le "caractère systématique de ces massacres et l'intention qui les précède", elle a pris ses distances avec les termes de la résolution, la jugeant "caricaturale et politicienne", avec l'objectif d'accréditer l'idée d'un "choc des civilisations".
"Où étiez-vous quand les chrétiens d'Orient mouraient sous les balles de l'Azerbaïdjan et de leurs bombes vendues par votre ami (Benjamin) Netanyahu, allié de (Recep Tayyip) Erdogan dans cette affaire? Où êtes-vous lorsque vous donnez des soutiens inconditionnels au gouvernement qui a persécuté les chrétiens d'Orient, dans le quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem et qui a bombardé l'église de Saint-Porphyre ?", a demandé le député Sébastien Delogu.