OPINION

la semaine de la justice transitionnelle : débats du Rwanda à la Tunisie

la semaine de la justice transitionnelle : débats du Rwanda à la Tunisie©Paul Keckel/dr
Le mur des noms au mémorial du génocide à Kigali
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De nombreux débats d’actualité comme de juste ont animé cette semaine l’espace de la justice transitionnelle. Domaine encore en développement, confronté à des situations souvent extrêmes, dans des pays très différents, le domaine est nécessairement controversé.

Ainsi, en Tunisie, l’International Crisis Group a dans un rapport ajouté sa voix autorisée à la critique des processus de transition dans ce pays. Dans une interview à JusticeInfo.net, le rapporteur de ce groupe de chercheurs et d’anciens hauts responsables gouvernementaux, Michaël Bechir Ayari explique : « Un spécialiste de la Justice transitionnelle vous dirait : ce qui s’est passé à ce moment-là en Tunisie est une justice transitionnelle mal faite, une « justice révolutionnaire ». (…). Alors que selon les normes internationales, il aurait fallu avoir une vision claire de l’étendue des victimes, dresser le panorama des conflits qui ont eu lieu, établir le récit des violations ».

Selon cet analyste, il faut au nom de l’économie et du business « trouver une voie médiane qui permettrait de renouveler la confiance des élites politiques et de la population, l’IVD doit mettre de l’eau dans son vin » .

A savoir néanmoins, quel est le prix politique de pareils compromis.

Autre débat récurrent de la justice transitionnelle : qui juge et où. Question posée par le procès en France de deux anciens bourgmestres accusés de génocide et qui se déroule sous le regard sourcilleux et méfiant du gouvernement rwandais et des associations de victimes en raison du rôle ambigu de la France alliée jusqu’au bout du régime du Président Juvénal Habyarimana. Les bourgmestres voudront minimiser leur rôle mais comme le rappelle JusticeInfo.net, ces maires étaient bien des personnages clefs du régime dictatorial rwandais.

Un bourgmestre Ignace Bagilishema est ainsi venu témoigner à la demande de la défense quinze ans après son acquittement par le Tribunal International pour le Rwanda (TPIR). Le correspondant de JusticeInfo.net à la Cour d’assises de Paris Franck Petit explique : « Son avocat au TPIR, Me François Roux, avait alors misé avec succès sur l’obsession des faits, du terrain. Obtenant d’aller lui-même chercher des preuves au Rwanda et arrachant, autre première au TPIR, un transport des juges sur les lieux. On se souvient de la demande de Me Françoise Mathé ici au premier jour du procès, d’un transport de la cour d’assises de Paris au Rwanda. »

 

Dans un communiqué commun défendant le rôle des tribunaux nationaux en Europe pour lutter contre l’impunité , Amnesty International, le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (European Centre for Constitutional and Human Rights, ECCHR), la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch, REDRESS et TRIAL reconnaissent que : « même si, en principe, il est préférable que la justice soit rendue dans les pays où les crimes ont été commis, ceci est souvent impossible. L’application de la compétence universelle réduit l’existence de « havres de paix », où les auteurs de crimes peuvent bénéficier de l’impunité. C’est un moyen d’accéder à la justice d’une importance capitale pour les victimes qui n’ont nulle part où se tourner et cela peut contribuer à encourager la responsabilisation dans les pays où les crimes ont été commis. »

Aux magistrats français d’en apporter désormais la preuve. En revanche, l’annulation suspecte des mandats internationaux contre les pustchistes au Burkina Faso exposée par JusticeInfo.net fait douter de l’indépendance de la justice de ce pays.

Autre débat, l’efficacité de la justice transitionnelle développé sur le site www.Justiceinconflict.org qui présente une défense intelligente de la JT tout en reconnaissant ses limites. L’article soutient ainsi l’idée d’une « complémentarité positive » entre les différentes juridictions. Juger à la CPI Bemba le chef de guerre congolais pour les crimes de guerre commis par ses troupes en Centrafrique n’empêche pas que les tribunaux centrafricains ou mixtes internationaux se saisissent des crimes commis par leurs propres ressortissants.