La province de Deraa, berceau de la contestation anti-Assad en Syrie

2 min 49Temps de lecture approximatif

La province syrienne de Deraa (sud), pour laquelle un accord de cessez-le-feu a été trouvé vendredi soir entre le régime et les rebelles, est le berceau de la contestation contre le pouvoir de Bachar al-Assad qui a éclaté en 2011.

- L'étincelle -

Le 6 mars 2011, une quinzaine d'adolescents à Deraa, à une centaine de kilomètres de Damas, séduits par le leitmotiv des révolutions tunisienne et égyptienne, gribouillent sur les murs de leur école des slogans hostiles au président Assad.

La réaction du régime est brutale: les garçons sont emprisonnés --et torturés selon des militants-- provoquant l'indignation et l'étincelle d'un soulèvement inédit.

Le 15 mars, des manifestations pour "une Syrie sans tyrannie", "sans corruption ni monopole des richesses", débutent à Damas dans le sillage du Printemps arabe.

- Pauvreté -

A Deraa, les manifestants dénoncent la politique économique du gouvernement, s'attaquant à des compagnies symboles du régime comme la compagnie Syriatel, détenue majoritairement par le cousin du président Assad. Des slogans contre la corruption sont scandés dans des villes avoisinantes.

Cette ville sunnite, qui comptait 75.000 habitants avant le début du conflit, avait sombré dans une pauvreté aggravée par la sécheresse qui sévissait depuis plusieurs années, accélérant l'exode rural.

- Noyau de la contestation -

Le 23 mars 2011, au moins 100 personnes sont tuées à Deraa par les forces de l'ordre, selon des militants et des témoins. Le président Assad limoge le gouverneur de la province, sans réussir à ramener le calme.

Dans cette région agricole, les habitants reprochaient à l'ancien gouverneur de différer l'acquisition des titres de propriété et d'empêcher de forer des puits pour l'irrigation.

Le 26 avril, le régime --qui veut réduire les poches de résistance-- envoie l'armée: Deraa est remise au pas au terme d'une opération militaire de dix jours et l'arrestation de plusieurs centaines de personnes. Début juin, Human Rights Watch dénonce des "crimes contre l'humanité" dans la région de Deraa, évoquant des tueries systématiques, des passages à tabac, des tortures.

- Nouvelle cible -

Voisine de la Jordanie et du plateau du Golan en grande partie occupé par Israël, la province de Deraa constituait l'un des derniers foyers des forces rebelles en Syrie, qui y ont perdu de vastes territoires au profit du régime.

Ces derniers jours, elle était toujours morcelée entre différents groupes rebelles --qui en contrôlaient plus de 30%--, les forces du régime et le groupe Etat islamique, qui y maintient une présence limitée. Son chef-lieu éponyme est en majorité aux mains des progouvernementaux.

La province a été régulièrement le théâtre de combats entre forces du régime et insurgés.

En 2016, les forces loyalistes, appuyées par l'aviation russe, des combattants du Hezbollah libanais, avaient repris Cheikh Miskine, carrefour stratégique menant au nord à Damas et à l'est à Soueida, aux mains du régime, avant de s'emparer d'Atmane, une localité clé de la province.

La zone méridionale de la Syrie, qui inclut les provinces de Deraa, Quneitra et Soueida, fait l'objet d'un cessez-le-feu négocié en juillet 2017 par la Russie, la Jordanie et les Etats-Unis. Celui-ci avait emboîté le pas à un accord entre Moscou, Téhéran et Ankara sur la création de quatre zones de désescalade en Syrie, dont le Sud.

Mais après la chute de la Ghouta orientale, aux portes de Damas, en avril 2018, la province de Deraa est devenue la nouvelle cible du régime.

Le 19 juin, des avions militaires ont largué des tracts appelant les habitants de Deraa à chasser les "terroristes", terme utilisé par le régime pour désigner les rebelles. Les forces du régime, aidées de l'allié russe, ont ensuite lancé l'offensive pour reprendre les secteurs rebelles de la province.

Les raids aériens ont obligé entre 270.000 et 330.000 Syriens à fuir. Et, avant l'issue des pourparlers vendredi, le régime avait déjà réussi, grâce à des accords parrainés par Moscou, à prendre le contrôle de nombreuses localités, notamment la ville-clé de Bosra al-Cham, aux mains des rebelles depuis mars 2015.

Jadis capitale de la province romaine d'Arabie et importante étape sur l'ancienne route caravanière de La Mecque, la ville de Bosra est célèbre pour son théâtre romain et des ruines paléochrétiennes. Elle est inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco.