OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : corruption en Tunisie, travail de mémoire en Colombie

La semaine de la justice transitionnelle : corruption en Tunisie, travail de mémoire en Colombie©AFP
Tombes autour du siège de l'ONU à Juba Soudan du Sud
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Calme semaine pour la justice transitionnelle, mais JusticeInfo.net a continué à suivre la cahotique transition en Tunisie sous l’angle de la corruption.

Dans une interview à JusticeInfo.net, le magistrat anti-corruption Ahmed Souab explique que contrairement aux engagements des différents gouvernements, la justice n’a pas été rendue sur les dossiers de prévarication liés à l’ancien régime. Le magistrat « mains propres » affirme ainsi : « j’accuse la justice tunisienne non pas d’emprunter la vitesse de la tortue, mais de ne pas avoir avancé d’un pouce sur ces affaires. J’accuse aussi les structures représentatives des magistrats de ne pas avoir exercé de pression pour accélérer l’aboutissement de ces affaires et honorer ainsi un slogan brandi par des centaines de juges le 11 février 2011 devant le Palais de justice de Tunis : « A bas la justice du pouvoir ! Vive la justice du peuple ! ». J’accuse enfin les médias de ne pas avoir ouvert ces dossiers. ».

Selon Ahmed Souab, les proches et la famille de l’ancien dictateur Ben Ali, notamment sa belle-famille, les Trabelsi sont revenus en force dans l’économie et dans les medias. Et d’asséner : « A l’image d’un cancer qui a contaminé tous les membres d’un corps et entamé toutes ses fonctions. Sous Ben Ali, la corruption était maitrisée, aujourd’hui sa pratique s’est « démocratisée. Le commerce et l’industrie parallèles sont évalués à plus de 50% de l’économie officielle du pays. La pieuvre de la corruption s’évalue à plus 2% du PIB ».

Ce cancer de la corruption est aussi dénoncé au Soudan du Sud, le plus jeune pays du monde, toujours en proie à d’extrêmes violences dont sont victimes essentiellement les civils. Dans une interview, Brian Adeba de l’ONG américaine « Enough Project », qui a récemment rédigé un rapport sur le Soudan du Sud explique ainsi : « au cœur de ce conflit se trouve le pillage des caisses de l'Etat. Le président Salva Kiir a lui-même dit que le pays a perdu environ 4 milliards de dollars. Où va cet argent ? Il est aux mains des élites politiques, il est sorti du pays, principalement vers les pays voisins où il est placé dans des banques ».

Brian Adeba précise ce qui devrait être fait au Soudan du Sud par la communauté internationale pour lutter contre l’impunité : « L'accord de paix est très clair sur le fait qu’un tribunal hybride sera mis en place. Dans le même temps, les sanctions ciblées que nous demandons ne doivent pas se concentrer uniquement sur les crimes financiers, mais aussi viser les dirigeants qui ont commis ces violations flagrantes des droits de l'homme. »

Sur un autre continent, notre partenaire l’Oxford Transitional Justice Research, a apporté une intéressante réflexion sur la Colombie en quête de réconciliation avec la création d’une Commission Vérité et Justice. L’auteure Jamie Rowen d’Amherst University aux Etats-Unis, écrit : « Le bilan des enquêtes en Colombie sur son passé montre que la Commission Vérité aura du mal à produire une histoire cohérente ». Rowen note qu’il y a déjà eu 15 enquêtes de ce type pour tenter de dire l’histoire de la guerre civile en Colombie appelée « la Violencia ». Tout est sujet de désaccord, la date du début du conflit, le rôle du gouvernement et de l’armée, la position des Etats-Unis, la question des narco-traffiquants eux-aussi créations de «la Violencia » et qui à leur manière demandent réparations.

A noter enfin, une nouvelle contibution de notre partenaire aux Etats-Unis, l’International Center   for Transitional Justice (ICTJ), sur le procès de Germain Katanga, chef de guerre congolais récemment libéré par la Cour Pénale Internationale que la République démocratique du Congo veut ouvrir. L’ICTJ écrit : «  cette évolution représente non seulement une nouveauté juridique pour la CPI, mais aussi un changement de vitesse potentiellement important par le système de justice en RDC ». On peut trouver l’ICTJ trop optimiste quand aux motivations de la RDC et de son Président, mais le débat est ouvert.