OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : cannabis et crimes de guerre

La semaine de la justice transitionnelle : cannabis et crimes de guerre©Burnand
La salle des droits de l'homme de l'ONU à Genève bondée pour la réunion du conseil des droits de l'homme
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Le sujet peut paraître marginal à côté des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité mais un avocat se bat pour la dépénalisation du cannabis en Tunisie ; preuve à ses yeux que la transition démocratique n’est toujours pas achevée dans son pays.

Maitre Ghazi Mrabet veut faire abroger la loi dite « 52 » votée sous l’ancien régime de Ben Ali qui pénalise très sévèrement les consommateurs de cannabis en majorité des jeunes. Son combat n’est pas solitaire. Les deux têtes de l’exécutif le Chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed et le président de la République, Béji Caied Essebsi, souhaitent aussi une abrogation de cette loi. La correspondante de JusticeInfo en Tunisie Olfa Belhassine écrit : “Aujourd’hui, l’avocat et militant des droits de l’homme revendique la grâce présidentielle pour toutes les personnes emprisonnées au titre de la loi 52 et l’amnistie générale pour tous ceux qui ont été condamnés depuis 1992 afin d’abolir la stigmatisation sociale qui les frappe à vie: « Parce que si l’Etat tunisien reconnait que cette loi a entrainé injustice, humiliations et répression, et que tous les arguments de notre collectif sont repris par le pouvoir exécutif, cela signifie l’échec de la politique pénale en matière de lutte contre les stupéfiants”. Ce héraut de la transition tunisienne ne doute pas de sa prochaine victoire. Son prochain combat : l’abolition de le peine de mort, reliquat aussi de l’ancien régime.

Syrie et Sri Lanka

Sinon cette semaine a connu sa sinistre litanie de crimes de guerre régulièrement dénoncés et impunis. Ainsi en Syrie selon un rapport d'enquête de l'ONU publié mercredi, "toutes les parties ont commis de graves violations des lois humanitaires internationales constitutives de crimes de guerre". La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie, pour la première fois, met directement en cause le régime dans le bombardement d'un convoi humanitaire en septembre près d'Alep. La Commission d'enquête indépendante de l'ONU a été créée en août 2011, quelques mois après le début du conflit syrien mais n'a jamais été autorisée à se rendre en Syrie. Elle a déjà rendu plusieurs rapports tout aussi accablants mais bloquée au Conseil de sécurité de l'ONU par la Chine et la Russie, la justice internationale reste aboulique.

Pourtant, cette justice progresse espère Philip Grant, patron d'une ONG Trial dans une interview avec notre partenaire swissinfo. Grant explique : "pour contourner les blocages du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale de l’ONU a, elle aussi, réagi, en adoptant en décembre dernier une résolution mettant en place un mécanisme pour aider les enquêtes sur les crimes les plus graves commis en Syrie. Il doit voir le jour dans quelques semaines à Genève, sous l’égide du Haut-commissariat aux droits de l’Homme. A chaque fois qu’un obstacle surgit, des initiatives se développent pour y remédier. De plus en plus de victimes finiront par rattraper leurs bourreaux".

Une question qui se pose aussi au Sri Lanka où le gouvernement tergiverse pour lancer les processus de réconciliation et de justice transitionnelle promis après une guerre civile extrême qui a fait des dizaines de milliers de morts et de disparus. Cette semaine, l'ONU a sommé le gouvernement de tenir ses engagements. Dans un rapport devant le Conseil des droits de l'homme, l'ONU écrit que la "lenteur de la justice transitionnelle" et "l'absence d'une stratégie globale visant à rendre compte des crimes du passé risquent de faire dérailler" les efforts pour une paix durable".

Dans une interview à JusticeInfo.net, Kate Cronin-Furman, une spécialiste de ce pays à l'Université d'Harvard, explique : " La base électorale de ce gouvernement est lourdement constituée de boudhistes cinghalais tout comme l'armée. C'est une population qui vénère l'armée et qui pense que les militaires sont des héros de guerre. Ainsi, tout effort pour poursuivre ces militaires est électoralement problématique et ces personnes présumées complices de crimes majeurs sont dans des positions de pouvoir au sein du gouvernement".